Transposition réussie pour «Don Pasquale» à l’Opéra de Québec

Le chef-d’oeuvre comico-lyrique Don Pasquale de Donizetti est présenté jeudi et samedi à l’Opéra de Québec. La réussite du spectacle conçu par Jean-Sébastien Ouellette et mené de main de maître en fosse par le chef Laurent Campellone vaut le détour. M. Ouellette a gagné son pari pour sa première mise en scène lyrique dans une grande compagnie d’opéra : sa transposition de Don Pasquale en 1967 est judicieuse et fonctionne sans failles. Il est grandement aidé dans sa tâche par le scénographe Michel Baker et, surtout, le concepteur vidéo Keven Dubois, qui imprime à l’ensemble un suave style visuel vaguement hérité des albums de Tintin ou d’Achille Talon de l’époque.
Le défi des transpositions d’un opéra de 1842 au milieu du XXe siècle est la logique narrative : il ne suffit pas d’une poignée d’intuitions lumineuses ; il faut que tout trouve une cohérence en regard du livret. Le tandem Ouellette-Dubois réussit cette gageure, car l’élégant dispositif de projections fonctionne aussi parfaitement pour nous amener d’un endroit à un autre, par des images animées ou non.
Un excellent rendement vocal
La poésie de la scène de la construction de la gare à partir d’une étoile filante, puis de l’entrée du train lorsque Ernesto songe à s’éloigner de Norina, vaut largement tout le fla-fla surfait de la récente Flûte enchantée vue à Montréal, car elle sert l’opéra et la narration et n’est pas une fin en soi.
Ces projections habillent un cube, imaginé par Baker, qui, très bien éclairé, sert de lieu, tantôt maison de Don Pasquale, tantôt hôpital. L’ensemble du dispositif permet aux chanteurs, comme dans Faust, d’obtenir un excellent rendement vocal dans leur positionnement face au public.
On saluera aussi le soin apporté aux costumes, très variés, jusqu’au dernier choriste.
Après Victorien Vanoosten dans Faust, le directeur artistique de l’Opéra de Québec, Jean-François Lapointe, nous a de nouveau gâtés dans la fosse avec Laurent Campellone. Chef aguerri aux répertoires lyriques français et italien, il a magnifiquement stimulé l’OSQ qu’il a fait jouer avec une splendide souplesse et une féroce énergie qui se transmettait au plateau.
Ce dernier, où Michel Desbiens faisait un sans-faute dans le court rôle du notaire, est illuminé par la présence d’Anne-Catherine Gillet. Déjà magnifique dans Faust, la soprano est venue remplacer Hélène Guilmette et emporte la mise par son esprit, sa justesse et son charme.
Patrick Kabongo (Ernesto) a un très beau timbre, peu puissant, très fin, qui rappelle Antonio Figueroa à ses débuts. Il y a dans sa technique un élément un peu mystérieux : sans que Kabongo donne l’air de forcer, on a l’impression que toute la colonne d’air ne parvient pas à se développer en un son en expansion. Mais il est élégant et agréable à entendre.
Reste le duo Pasquale-Malatesta. Ça passe, parce qu’Olivier Déjean et Hugo Laporte sont de bons professionnels. Mais Pasquale devrait être un chanteur « rond », baryton-basse ou basse, avec des graves bien fermes, et Malatesta, un baryton autoritaire dans ses aigus, afin d’asseoir sa domination dramatique. Olivier Déjean est plutôt sec et court en graves et Hugo Laporte, d’un ascendant rond. Même si on fait l’impasse sur le ressort comique dû au fait que Pasquale soit en théorie rondouillet, le rôle demande plus d’esprit.
Mais le spectacle n’en vaut pas moins la chandelle et, surtout, mérite d’attirer nettement plus de spectateurs. Il serait temps que le succès public récompense la qualité proposée par l’Opéra de Québec.