Une école de jazz naît des cendres du Conservatoire de l’Université McGill

Michel Picard (à gauche) et Jason Stillman (à droite) ont cofondé l’École de jazz de Montréal en réponse à la fermeture du Conservatoire de musique de l’Université McGill.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Michel Picard (à gauche) et Jason Stillman (à droite) ont cofondé l’École de jazz de Montréal en réponse à la fermeture du Conservatoire de musique de l’Université McGill.

Un concert privé au Collège français marquera, lundi, le lancement officiel de l’École de jazz de Montréal. L’initiative émane de Michel Picard, qui était au printemps dernier étudiant au Conservatoire de musique de l’Université McGill, où son désormais associé, Jason Stillman, dirigeait la section jazz. En trois mois, ils ont bouclé un nouveau modèle d’enseignement autonome.

« L’innovation que nous apportons à l’École de jazz de Montréal, c’est une panoplie très variée de formations en jazz qui comprend des combos [ensembles], des cours privés, évidemment, des cours théoriques, des cours vocaux et tous les aspects permettant aux musiciens de parfaire leur art lié au jazz », lance avec enthousiasme Michel Picard.

Au début de cette année, il était loin de se voir à la tête d’un établissement d’enseignement, un organisme à but non lucratif, en train de construire des programmes et des projets pour attirer les musiciens de jazz, amateurs comme professionnels.

Une annonce brutale

Tout remonte à la mi-juin 2022, quand l’Université McGill a annoncé la fermeture définitive de son conservatoire de musique en raison de la chute abrupte du nombre d’inscriptions depuis le début de la pandémie. L’établissement, fondé en 1904, qui comptait 550 élèves en 2019, avait vu ce chiffre passer sous la barre des 300 en 2021, lorsque les cours étaient donnés seulement en virtuel.

Une mobilisation pour sauver le Conservatoire avait été enclenchée avec une pétition, mais depuis début juillet, ce mouvement, relayé par Le Devoir dans son édition du 6 juillet, n’a guère fait parler de lui. Contactés à deux reprises dans les derniers jours, ses représentants ont dit « ne pas être prêts à faire le point maintenant », mais assurent que les professeurs « continuent leur travail et offrent les meilleures conditions et le meilleur esprit pour servir leurs étudiants ».

« J’étais étudiant au Conservatoire en jazz, et deux ou trois semaines avant la fin de la session, nous avons reçu la nouvelle selon laquelle l’Université fermait les portes du Conservatoire. Il y avait peu d’explications, sauf des raisons “officielles” liées à la rentabilité. Tout le monde était choqué, offusqué », raconte Michel Picard, qui se souvient qu’« au-delà de la décision rapide et irréversible de fermer pour des raisons de profit, c’était le manque d’efforts à vouloir maintenir le Conservatoire et trouver des solutions pour retrouver sa vitesse de croisière » qui l’avait troublé.

M. Picard a en mémoire l’ensemble des bonnes volontés exprimées : « Beaucoup de belles intentions, mais rien de concret. Tout le monde manifestait une volonté de faire quelque chose, mais les initiatives n’étaient pas connues. »

Alors il a pris les choses en main. « Dans la section jazz, la volonté des élèves était claire : nous voulions continuer. Il nous fallait donc un endroit où répéter, et ma compréhension était que ce soit à Montréal. » Michel Picard propose dans un premier temps de « donner un coup de main » à Jason Stillman, son professeur et directeur de section. « Devant l’ampleur de la charge, nous avons vite convenu que je m’impliquerais à temps plein pour faire en sorte de faire revivre le Conservatoire, mais juste la section jazz. »

Charité bien ordonnée

« Ce n’est pas que je n’aime pas le classique, dit, amusé, M. Picard, qui a une formation en piano classique, mais il faut y aller étape par étape, et charité bien ordonnée commence par soi-même. » Le projet ne concernera donc que le jazz.

Son mot d’ordre est de « garder le momentum ». En juillet et en août, le tandem Picard-Stillman a trouvé des locaux et s’est assuré d’avoir un minimum d’étudiants (deux ensembles, ou « combos ») pour faire vivre le projet.

« Nous sommes partenaires avec le Collège français, qui nous permet d’installer dans ses locaux ce qui s’appelle désormais l’École de jazz de Montréal », annonce fièrement Michel Picard en amont de l’ouverture, prévue lundi. Quant aux finances : « C’est comme n’importe quelle entreprise : nous avons des recettes et des dépenses à équilibrer. Nous sommes une organisation à but non lucratif et devons avoir un nombre d’étudiants suffisant par groupe [6 ou 7 par classe] pour que leurs frais trimestriels permettent de couvrir nos dépenses et de payer les professeurs. Nous sous-louons les locaux et facturons aux élèves un montant comparable aux frais universitaires. »

Et ça marche ! « La bonne surprise est que nous ne nous sommes pas trompés sur le momentum : nous n’avons pas deux classes de combo, mais quatre. » L’essentiel des élèves de l’École de jazz sont des anciens des classes de combo du Conservatoire de l’Université McGill. D’autres étaient « dans des groupes plus privés et restreints à Montréal ».

Jason Stillman va accorder l’offre à la demande par l’engagement de professeurs : combo, classes de chant, classes de théorie, improvisation-composition, ateliers et classes de maître. Michel Picard travaille, lui, à la suite : une offre enrichie par une approche en ligne qui permettra aux étudiants en région d’avoir accès à l’École de jazz de Montréal. « Beaucoup d’autres choses s’en viennent, dont un programme de formation en ligne tant au niveau “jazz 101” qu’au niveau ateliers de travail et classes de maître. »

Il n’est pas prévu d’ouvrir l’École de jazz à d’autres styles, comme le classique, mais Michel Picard incite d’autres vocations : « Je pense que notre approche sur le marché, très consciente des exigences d’affaires sur le plan des dépenses et des revenus, s’applique à d’autres, et j’encourage la section classique à faire la même chose. »

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