James MacMillan, compositeur pour les funérailles royales

Parmi les musiques des funérailles de la reine Élisabeth II, deux oeuvres n’avaient jamais été entendues auparavant : une mise en musique du Psaume 42 par Judith Weir et l’hymne Who Shall Separate Us ? de James MacMillan. Comment le choix s’est-il porté sur ces deux musiciens ?

La demande formulée à Judith Weir est logique et protocolaire. La compositrice âgée de 68 ans est Master of the Queen’s Music depuis 2014. Elle a remplacé Peter Maxwell Davies à ce poste attaché à la couronne. Sa mise en musique des sept premiers versets du Psaume 42 porte le titre de ses premiers mots : « Like As the Hart ». Le Psaume 42 a connu dans l’histoire de la musique sa plus glorieuse mise en musique sous la plume de Felix Mendelssohn, sous le titre Wie der Hirsch schreit (Comme brame le cerf).

Pour la « tête d’affiche » musicale créative de la cérémonie, les édiles de l’abbaye de Westminster et du protocole avaient le choix, car l’époque est faste. Plusieurs compositeurs britanniques jouissent d’une immense aura internationale : Thomas Adès, George Benjamin et James MacMillan.

Un choix évident

 

Thomas Adès était hors jeu. Il a construit sa carrière sur Powder her Face, opéra à forte connotation sexuelle fondé sur la saga de la sulfureuse duchesse d’Argyll qui défraya la chronique dans les années 1950. L’histoire a d’ailleurs fait en 2021 l’objet d’une minisérie télévisuelle : A Very British Scandal.

Le prestige de Benjamin, 62 ans, et de MacMillan, 63 ans, est à peu près équivalent, mais l’oeuvre de MacMillan, un Écossais catholique romain, est beaucoup plus associée au sacré et à la religion. MacMillan s’est fait connaître en 1992 avec Veni, Veni, Emmanuel, un concerto pour percussions écrit pour Evelyn Glennie, joué par elle partout dans le monde. Depuis le début du siècle, MacMillan équilibre oeuvres orchestrales (sa 3e Symphonie, « Silence », a été admirablement enregistrée par Chandos) et compositions religieuses qui le situent clairement dans une veine post-Britten, par exemple Mass pour choeur et orgue (2000). Évoquant Mass, on notera que MacMillan est associé à Westminster depuis longtemps puisque le premier enregistrement a été réalisé pour Hyperion par le Westminster Cathedral Choir.

Dans ses compositions, MacMillan s’inscrit dans une longue tradition de musique liturgique qui remonte aux modèles de la Renaissance, comme le montrent son motet O bone Jesu (2002) ou le Miserere (2009). Il ne cherche pas, comme John Tavener (1944-2013), à générer des ambiances mystiques au détriment de la forme.

Le grand pari récent de James MacMillan a été la composition d’un Oratorio de Noël de 1 h 45 pour soprano, baryton, choeur et orchestre. Écrit en 2019, il a été finalement créé au Concertgebouw d’Amsterdam en janvier 2021. Le compositeur y a associé « des poèmes assortis, des textes liturgiques et des écritures tirés de diverses sources, tous relatifs à la naissance de Jésus ».

MacMillan a de glorieux prédécesseurs. Pour le couronnement de la reine, le compositeur principalement impliqué avait été William Walton avec Orb and Sceptre, alors que Ralph Vaughan Williams avait arrangé son Old Hundredth Psalm. Le couronnement se prévoyant à plus longue échéance, à la veille du jour J, un bouquet vocal de dix compositions vocales et chorales avait été créé, commandé par le Conseil des arts de Grande-Bretagne pour honorer la nouvelle monarque. Arthur Bliss, Arnold Bax, Michael Tippett, Ralph Vaughan Williams, Lennox Berkeley, John Ireland, Herbert Howells, Gerald Finzi, Alan Rawsthorne et Edmund Rubbra avaient été les dix élus. L’absent notable, Benjamin Britten, se fendit, lui, carrément d’un opéra : Gloriana.

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