Arcade Fire rallume la mèche d’Osheaga

Après deux ans de latence, le festival Osheaga a enfin pu lancer hier soir sur les plaines du parc Jean-Drapeau les célébrations de son 15e anniversaire avec le grand retour sur scène d’Arcade Fire.
Adil Boukind Le Devoir Après deux ans de latence, le festival Osheaga a enfin pu lancer hier soir sur les plaines du parc Jean-Drapeau les célébrations de son 15e anniversaire avec le grand retour sur scène d’Arcade Fire.

Après deux ans de latence, le festival Osheaga a enfin pu lancer hier soir sur les plaines du parc Jean-Drapeau les célébrations de son 15e anniversaire avec le grand retour sur scène d’Arcade Fire. Retrouvailles, donc, entre le groupe montréalais et son public, puis entre celui-ci et le grand rendez-vous montréalais des musiques tendances, sans distanciation imposée.

Vers 21 h, l’orchestre a pris possession de la scène de la Rivière, choisissant d’amorcer son retour avec un premier extrait de son nouvel album WE, la chanson Age of Anxiety I, annoncée par son distinctif motif de piano. Win Butler n’a alors pas mis de temps avant de prendre son premier bain de foule, alors que Régine Chassagne gigotait, keytar au cou. « Montréal de mon coeur ! », a-t-elle scandé.

Une agréable mise en bouche qui a cependant eu moins d’impact dans la foule que la Ready to Start (de The Suburbs, 2010) suivante. Les dizaines de milliers de spectateurs ont bondi d’un coup, dansant pendant que Régine battait la mesure, passée à la batterie. A suivi The Suburbs, que Win a dédiée à la famille du regretté Taylor Hawkins, batteur du groupe Foo Fighters qu’Arcade Fire remplaçait donc à Osheaga. Enchaînant avec Neighborhood #1 (Tunnels), tirée du classique Funeral (2004) et No Cars Go (de Neon Bible, 2006), le groupe a tout de suite démontré qu’il n’avait rien perdu de son énergie et de son pouvoir d’évocation en concert.

Le groupe paraissait toutefois un brin rouillé, plus de deux mois après s’être produit à Coachella. Les enchaînements entre les chansons étaient souvent laborieux, l’un ou l’autre des musiciens confondant l’ordre prévu des chansons, provoquant quelques faux départs. Arcade Fire prévoit lancer officiellement sa tournée le 8 septembre prochain à Londres (Butler a annoncé que ses amis et lui seront au Centre Bell le 3 décembre prochain), ce concert à Osheaga avait l’air d’une répétition, avec en prime un aperçu du décor imaginé : un demi-cercle posé devant l’écran géant reproduisant le motif de l’oeil sur la pochette de l’album WE, un artifice simple mais stylé.

Après nous avoir fait goûter au bon vieil Arcade Fire, passons au disco, histoire de mettre à profit l’immense boule miroir pendant au-dessus du groupe. Dégourdissant enchaînement d’Afterlife, Reflektor, Creature Comfort et Age of Anxiety II (Rabbit Hole), l’influence Giorgio Moroder dans chacune des arpèges de synthés, enchaînement qu’on aurait souhaité encore plus long quand Win a lancé la suite End of the Empire, tirée du dernier album.

Un éteignoir. Un trou noir dans ce concert pourtant si explosif. Interminable litanie – rendu au quatrième volet de l’oeuvre (Saggitarius A*), plus personne ne tenait son briquet ou son téléphone allumé. Bienvenu, ce sursaut de rock épique avec la suite The Lightening (I & II), l’une des nouvelles que nous avions le plus hâte d’entendre en concert. La promesse de l’enregistrement studio s’est avérée sur scène : puissant moment.

Arcade Fire n’a pas perdu le rythme jusqu’à la fin, ayant même l’élégance de saluer ses deux nouveaux membres, Paul Beaubrun (de Boukman Eksperyans, aux percussions, à la guitare et aux acrobaties scéniques !) et Dan Boeckner, cofondateur du groupe Wolf Parade, qui s’est fait accompagner par ses acolytes pour une furieuse version de sa chanson This Heart’s on Fire. Cette première soirée d’Osheaga s’est conclue dans l’allégresse.

Rapprivoiser son terrain de jeu

 

Le reste de la journée s’est déroulé sous le soleil tapant et le bonheur de renouer avec les foules festives et la musique plein air. Dans le métro en direction de l’île Sainte-Hélène, ce n’était pas encore la cohue à laquelle nous étions habitués avant la pandémie ; une fois sur place, la foule était considérable et enjouée, mais personne ne se marchait sur les pieds. Sinon, la scène était familière : les vendeurs de bière ambulants, les innombrables baraques à poutine, les files d’attente et les chemises hawaïennes toujours pas démodées.

Un bel après-midi de flânage, à rapprivoiser le site et se laisser séduire par ce qui émanait des haut-parleurs. Dominic Fike, tiens, sur la grande scène de la Rivière, quelque chose comme un phénomène rock moderne gonflé par son rôle dans la populaire – et controversée — série Euphoria, diffusée par HBO. Il avait des fans, le jeune homme.

Arrivé sur scène avec 25 minutes de retard sur l’horaire prévu à 17 h 05, Fike a rapidement déballé son répertoire fait de chanson rock intéressée par les bouleversements esthétiques provoqués par l’irruption du rap et du trap dans la musique pop. Imaginez Mac Miller professant son amour pour Led Zeppelin : le gars fait du rock, avec une bonne couche de blues et de distorsion dans la voix et la guitare, mais nous surprend ensuite en balançant un couplet avec le même genre de prosodie qu’allait nous servir juste après The Kid LAROI, rappeur (australien) appréciant le son d’une guitare acoustique. On a envie de les entendre comme les deux faces d’une même pièce pop contemporaine.

Cap ensuite sur le site secondaire pour un doublé disparate : la pop dansante de Parcels et le punk articulé de Turnstile — avec une brève et providentielle escale à la scène Verte, juste au moment où Claudia Bouvette interprétait ses meilleures de l’album The Paradise Club paru en mai dernier, Douchebag et Pardon Me.

Les Australiens de Parcels étaient comme des poissons dans l’eau sur une telle scène extérieure de festival. Sympathique performance – le groupe passe pour une version simplifiée (primitive ?) de ce que font depuis vingt ans, et avec tant de sophistication, les Britanniques de Hot Chips : une chanson disco tirant vers le house, jouée live, qui met l’accent sur les harmonies et les refrains pop. Fort agréable.

Or, le contraste ne pouvait être plus vertigineux avec Turnstile qui suivait juste après, passé 19 h, sur la scène voisine. Une de ces claques rock comme on en entend de moins en moins dans ce festival aujourd’hui dominé par la pop, le rap et les musiques synthétiques. Paru l’an dernier chez Roadrunner Records, leur album Glow On est un petit bijou de hardcore bariolé d’influences aussi variées que le funk ou le thrash metal ; en concert, c’était aussi hilare et étourdissant. Un coup de coeur.

La 15e édition du festival Osheaga se terminera dimanche soir avec une performance de la diva britannique Dua Lipa ; ce soir, c’est le rappeur américain Future, appelé en relève de son collègue ASAP Rocky, qui coiffe l’affiche. Mitski, Burna Boy, Men I Trust, IDLES, Safia Nolin, Zach Zoya et Wet Leg monteront également sur scène aujourd’hui ou demain.

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