«Iberia. Albéniz», Nelson Goerner

Comme pour L’art de la fugue de Bach, les pianistes qui abordent Iberia le font par passion ou défi. Les 12 pièces réparties en 4 cahiers sont si difficiles qu’on ne s’y engage pas par hasard d’autant que, discographiquement, c’est peu gratifiant. Comme la vieille rengaine « Bach c’est Glenn Gould », on sait bien qu’« Iberia c’est Alicia de Larrocha ». Sauf que dans un cas c’est une fadaise qui a longtemps plombé le métier, alors que pour Alicia et ses atmosphères colorées, c’est bien vrai. Cela n’empêche pas de voir autre chose dans Iberia et c’est exactement la voie royale qu’ouvre Nelson Goerner. Il n’est pas le premier : Marc-André Hamelin s’y était essayé dans une vision solaire exaltée, rodée en concert, opposée à celle, abstraite, de Jean-François Heisser. Goerner, lui, réussit une totale prouesse : une alchimie entre présence obsessive du rythme et pure subtilité des climats, dans une atmosphère brûlée par le soleil plutôt que moite, le tout servi par une qualité pianistique (lisibilité, clarté, toucher) prodigieuse. Un disque renversant.