La pertinente découverte de Cozzolani 

C’est sur le thème « Cadence féminine » que se déploiera jusqu’à dimanche la 20e édition du Festival Montréal Baroque.
Festival Montréal Baroque C’est sur le thème « Cadence féminine » que se déploiera jusqu’à dimanche la 20e édition du Festival Montréal Baroque.

Le Festival Montréal Baroque, qui s’ouvrait jeudi au Théâtre Rialto, se prolongera jusqu’à dimanche. Dans le cadre d’un hommage aux compositrices, l’héroïne de cette grande soirée d’ouverture, dirigée par Mathias Maute, était Chiara Margarita Cozzolani.

C’est sur le thème « Cadence féminine » que se déploiera jusqu’à dimanche la 20e édition du Festival Montréal Baroque. En marge des concerts, Montréal Baroque 2022 sera aussi, en cette fin de semaine et pour la première fois, le point de rencontre entre une quarantaine de représentants du Réseau européen de musique ancienne et de Early Music America. Diffuseurs, musiciens et chercheurs en musique ancienne se réuniront au Théâtre Rialto pour discuter, participer à des ateliers, assister à des concerts et peaufiner leurs coopérations.

La nonne compositrice

 

Concert d’ouverture, donc, et musique vocale à huit voix de Chiara Margarita Cozzolani (1602-ca.1676), mêlée à des oeuvres d’Andrea Falconieri, Giovanni Palestrina, Claudio Monteverdi.

Fille d’une famille de marchands de Milan, Margarita Cozzolani entra au couvent à 18 ans et composa des « concerts sacrés » ou « dialogues sacrés ». Le couvent de sainte Radegonde glana au milieu du XVIIe siècle une certaine notoriété pour les prestations musicales de ses nonnes, qui chantaient notamment des oeuvres de Cozzolani. Comme souvent, le frein à la diffusion et à la notoriété de Cozzolani fut l’absence d’édition de ses oeuvres. La publication des partitions de ses compositions date de 1996. Elles ont néanmoins été peu enregistrées depuis.

L’accompagnement (logique d’ailleurs) prévu pour ces oeuvres sacrées était l’orgue. Dans la présentation de jeudi, l’implication de l’Ensemble Caprice a amené à « enluminer » ce soutien instrumental par deux violons, un violoncelle, une contrebasse, un cornet, une flûte à bec et un théorbe. Étonnant, pour le moins, d’imaginer des religieuses du XVIIe siècle dans leur couvent et d’entendre Deus in auditorium avec théorbe et sans orgue. Mais on se fait à tout et c’est assez beau.

Pour l’auteur de la notice du concert, la musique de Cozzolani « reflète l’évolution des conceptions de la spiritualité et de la composition musicale : en plus des thèmes « féminins » de l’extase et de la souffrance corporelle qui servaient de points d’identification entre les femmes et le Christ, elle recourait à des innovations techniques comme une polyphonie sophistiquée et un style concertant rapide, expressif et déclamatoire. Loin de la musique conservatrice et « cloîtrée » que l’on pourrait attendre d’une personne écrivant derrière les murs d’un couvent, les oeuvres de Cozzolani reflètent les mêmes tendances stylistiques que celles entendues dans les théâtres de Venise, à cent lieues à l’est. »

En pratique, deux choses frappent : le nombre d’interventions individuelles et les incessants revirements rythmiques. La découverte de Cozzolani est « pertinente » les oeuvres en dialogues, comme le Beatus Vir, est très originale, développées, parfois hardies sur le plan harmonique (amen final). De fait, le succès du concert reposait sur les huit voix de l’ensemble Art-Québec qui tenaient bien le choc d’une exposition soliste.

La 3e section de la soirée (Palestrina, Monteverdi) servait surtout à introduire le Choeur du Festival Montréal Baroque, un groupe élargi d’amateurs impliqué dans le festival. L’ensemble de la soirée n’en restait pas moins un peu étrange. Ce répertoire appelait des voûtes et leur résonance, pas un théâtre, plus adapté à des madrigaux. Par ailleurs, la soirée inaugurale du 20e anniversaire de ce qui fut jadis le festival le plus dynamique de Montréal avait un côté « survie » porté par la foi du charbonnier », comme si des fastes d’antan il restait une peau de chagrin.

On espère que la grande flamme et l’adhésion populaire reviendront un jour.

Montréal Baroque

 

« Chiara Margarita ». Psaumes concertants à huit voix — Motets et dialogues, Venise 1650. Chiara Margarita Cozzolani : Deus in auditorium, Dixit Dominus, Beatus Vir, Magnificat primo. Falconieri : Battaglia de Barabasso yerno de Satanas. Palestrina : Regina Coeli. Anonyme : Passaccalli della vita. Monteverdi : Ave Maris stella, Si dolce è ‘l tormento. Ensemble vocal Arts-Québec, Choeur du Festival Montréal Baroque, Ensemble Caprice, Mathias Maute. Théâtre Rialto, jeudi 23 juin 2022 — 19 h

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