Bigflo&Oli, le retour des poids lourds du rap léger

Les deux frères s’apprêtent à lancer, vendredi, leur quatrième album studio, «Les autres c’est nous», qui compte 21 nouvelles chansons.
Photo: Fifou Les deux frères s’apprêtent à lancer, vendredi, leur quatrième album studio, «Les autres c’est nous», qui compte 21 nouvelles chansons.

Phénomène en Europe autant qu’ici, où il a déjà rempli le Centre Bell, le duo hip-hop Bigflo & Oli s’apprête à lancer, vendredi, son quatrième album studio, Les autres c’est nous. Écrit et enregistré pendant la pandémie, ce copieux album de 21 nouvelles chansons synthétise ce que les frères Florian et Olivier Ordonez ont accompli depuis leurs débuts, il y a plus de dix ans : un rap à la langue propre et aux idées claires, accessible et fier de l’être.

Comment se sent-on, Oli, à la veille d’un retour si attendu, quatre ans après votre dernier album studio ? « Déjà, on se sent différents de qui nous étions au moment où on est partis », répond le rappeur joint à Paris, où lui et son frère préparaient l’arrivée de l’album et le concert qu’ils donneront le soir même de sa sortie devant près de 20 000 spectateurs, au Accor Arena.

« Cette pause a été pour nous un vrai moyen de faire un bilan artistique et de prendre soin de nous, et je pense que ça se ressent dans la qualité de nos textes — et, plus généralement, dans celle de l’album. J’espère toujours dire ça de tous nos albums, mais celui-là, je trouve que c’est le plus abouti. La chance qu’on a eue, c’est celle du temps qu’on a pu prendre pour travailler les morceaux et donner cette couleur à l’album. Alors, je suis heureux de retrouver le public, j’ai hâte de donner le premier concert, j’ai hâte aussi d’avoir les premiers retours sur l’album. »

Rassurons-le d’emblée : Les autres c’est nous devrait connaître un succès comparable à ceux de La vie de rêve (2018, 100 000 exemplaires vendus), La vraie vie (2017, 500 000 exemplaires) et La cour des grands (2015, 300 000 exemplaires). Un disque polyvalent et rassembleur, comme les précédents du groupe, farci de refrains pop et de récits attendrissants, livrés avec le charisme qu’on lui connaît. Une synthèse de tout ce qui a fait le succès de Bigflo & Oli, disions-nous.

« Je suis content que tu aies ressenti ça », souffle Oli. La pause que le groupe s’est accordée — depuis son dernier concert, le 15 février 2020, juste à l’orée de la pandémie — a donné l’occasion à la fratrie de faire le tri dans tout ce qui lui est arrivé. « On a pris le temps de regarder en arrière, ce qu’on a apporté à la musique, de mesurer les critiques et les éloges qu’on nous a adressés, de voir quelles ont été nos erreurs de parcours. Je suis fier de la transparence avec laquelle on dissèque ça sur l’album », dit-il en évoquant la chanson Bons élèves (avec MC Solaar), « dans laquelle Flo et moi peignons nos portraits ».

Rap « gentil »

« Je crois que sur les albums précédents, on courait après une certaine validation du monde du rap tout en ayant envie quand même de toucher un public non averti au rap parce qu’on a toujours eu envie de faire de belles chansons, des textes qui touchent et des mélodies que tout le monde peut reprendre. » La clé de leur succès, ainsi que la source des plus dures critiques : dans l’esprit (fermé) de plusieurs de leurs détracteurs, Bigflo & Oli font du rap « gentil », du rap « pour enfants ». Les plus jeunes raffolent effectivement du son du duo, qui a décroché un petit rôle dans le long métrage Astérix et Obélix. L’Empire du Milieu, jouant « deux vendeurs un peu frauduleux qui exploitent une épicerie de faux produits français en Chine », précise Oli.

Ça n’en fait pas du rap bête pour autant, ni de ces musiciens les touristes d’une scène où la qualité ne se mesure pas qu’à sa crédibilité dans les cités. À cet effet, le titre de la chanson Booba, du nom d’un vétéran du rap français pur et dur, fera sourire : « Au-delà du second degré, je trouvais ça cool comme titre parce qu’on nous a souvent mis en opposition, lui et nous, le rap plus brut, plus “street”, et notre son, alors que nous sommes ouverts, musicalement. On écoute de tout, et je crois surtout qu’on a le droit de rêver d’être Booba autant que d’être grand public », commente Oli, en rappelant avoir invité sur l’album autant des jeunes rappeurs tendance, tels que Vald, que les bonzes de la variété que sont Julien Doré et Francis Cabrel.

Or, à écouter le rap de 2022, nous serons portés à croire que le débat entre rap dur et rap grand public est devenu caduc, tant les canons du rap américain (Future, 21 Savage, Young Thug, pour ne nommer qu’eux) et français (Orelsan, Juls, Ninho) se forcent pour être mélodieux, donc plus pop, dans leurs productions. Tout d’un coup, ces défenseurs d’un rap poli, mais sensé, rassembleur, passeraient-ils pour des visionnaires ? Cette ouverture vers un plus grand public sera en tout cas « notre force, une fois passée cette période » où on les regarde de haut, malgré leurs tournées à guichets fermés et les disques platine.

« Si nous étions, avant, un peu dans cette bipolarité, je crois que, dans la synthèse que représente ce nouvel album, on a compris qu’on ferait du Bigflo & Oli toute notre vie. On ne sera jamais catalogués juste comme rappeurs ou juste comme chanteurs. On est ce mélange de plusieurs influences. C’est un album qui assume qui nous sommes, avec notre fragilité et notre vulnérabilité, aussi », conclut Oli, en promettant aux admirateurs québécois un arrêt chez eux dans le cadre de la prochaine tournée.

Les autres c’est nous, de Bigflo & Oli, est offert dès vendredi sur étiquette Polydor/Universal Music.

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