«Bye Bye Bye Karim: la veillée des ami.e.s»: Salut, Karim Ouellet

Cinq mois après le choc du décès de l’auteur-compositeur-interprète Karim Ouellet, les Francos lui dédient son édition cette année et organisent une veille en sa mémoire. Baptisé Bye bye bye Karim. La veillée des ami.e.s, ce grand concert présenté le 12 juin rassemblera sur une même scène ses talentueux proches, car il ne savait créer autrement, souligne sa sœur, Sarahmée : « Avec lui, l’important était de toujours s’entourer de ses amis. Son band, c’étaient tous des amis. Lorsqu’il collaborait avec d’autres musiciens, c’étaient des amis. C’est ce qu’on voulait recréer sur scène, sa gang de chums. »
« On a fait un petit rassemblement chez moi après les funérailles, relate l’auteur-compositeur-interprète ClaudeBégin. Les affaires sont encore là, dans le fond de la pièce », ajoute-t-il comme pour laisser entendre que son ami et complice musical de presque deux décennies est encore un peu là, près de lui, même s’il était déjà disparu de son quotidien avant son décès, annoncé le 18 janvier dernier.
« Chacun fait son deuil à sa manière : moi, au début, je l’ai eu fort, confie Bégin. Je ne vis plus dans le deuil aujourd’hui — Karim, j’avais déjà perdu contact avec lui… Mais il est venu me voir dans mes rêves. Souvent. On a fait la paix, on a fait de la musique dans mes rêves. [Le rappeur et membre d’Alaclair Ensemble] Eman m’a dit la même chose. C’est tellement réel, c’est comme s’il est encore dans nos vies. J’ai vraiment l’impression qu’il est encore là, et il sera là au spectacle. »
Bye bye bye Karim. La veillée des ami.e.s se tiendra sur la grande scène de la place des Festivals. Y seront réunis les proches, à commencer par sa sœur, Sarahmée, les gars d’Alaclair Ensemble, les musiciens de son orchestre, dirigé par Olivier Beaulieu, ainsi que les collaborateurs et les admirateurs, Klô Pelgag, Hubert Lenoir, Valaire, La Bronze, Ariane Moffatt, et plusieurs autres. Ne manquera que King Abid, percussionniste dans l’orchestre de Karim, son bras droit, qui donnera un concert en Afrique, l’un des rares, avec la choriste (et sœur de Claude) Élise Bégin, qui ont réussi à garder contact avec Karim lorsque celui-ci a coupé les ponts avec tous les autres.
Inoubliable
« Je continue à ce jour à recevoir des messages de gens qui me témoignent de ce qu’il a changé dans leur vie, assure Sarahmée. Des gens de tous âges, de tous genres : “ton frère m’a sauvé la vie”, “j’étais dans une relation, j’étais malheureuse, il m’a aidée à m’en sortir”. Karim a marqué ceux qui ont croisé son chemin. C’était un gars très sensible qui, dans ses chansons, parlait d’amour et de déceptions. On va chanter tout ça. Dans sa vulnérabilité comme dans sa force, on veut lui rendre hommage. Ce spectacle sera vraiment, pour moi et ma famille, le moment de célébrer l’héritage qu’il nous a laissé, et le moment de nous guérir un peu auprès des gens qui l’ont connu et qui l’aiment. »
La musicienne affirme avoir eu « très tôt » après le petit rassemblement chez Claude Bégin l’idée d’un événement à la mémoire de son frère. Elle a approché la direction des Francos en février dernier. « Au moment où Sarahmée nous offrait cette occasion, on a sauté dessus sans aucune hésitation », indique Laurent Saulnier,vice-président principal de la programmation des événements culturels et festivals de Spectra.
« L’important dans tout ça était d’avoir son aval ; nous ne voulions surtout pas proposer ce genre de projet sans le consentement de la famille. C’est pour ça aussi que le show s’appelle Bye bye bye Karim. La veillée des ami.e.s : l’esprit du show, c’est vraiment celui d’une veillée, puisque la pandémie a empêché un tel rassemblement où on aurait pu se raconter des histoires, chanter, être simplement ensemble pour célébrer Karim. » L’organisation des Francos a même dédié l’édition 2022 au regretté musicien, qui a laissé des chansons mémorables et une marque indélébile sur l’histoire de la pop québécoise.
La marque
« Il est arrivé avec un nouveau son », explique Claude Bégin. Avec son premier album, Plume (2011), Karim Ouellet passait la chanson pop à travers le filtre du rap, de la soul et du reggae avec une justesse jusqu’alors inouïe, anticipant déjà la mutation du hip-hop en pop que l’on mesure aujourd’hui. « Il avait aussi une personnalité vocale, des textes remplis d’images, sa propre manière de raconter ses histoires comme des fables, en mélangeant plein de styles musicaux, toujours très soulful, précise Bégin. Il a marqué le son de la musique du Québec. »
Il a introduit un nouveau son et une manière bien à lui, calquée sur personne, de faire les choses. Il est un des artistes qui faisaient le moins de compromis dans sa démarche et ses choix artistiques. Puis, il y a sa fragilité comme sa force, sa douceur, sa grande humilité.
Sarahmée approuve : « Il a introduit un nouveau son et une manière bien à lui, calquée sur personne, de faire les choses. Il est, selon moi, un des artistes qui faisaient le moins de compromis dans sa démarche et ses choix artistiques. Puis, il y a sa fragilité comme sa force, sa douceur, sa grande humilité. À la réécoute, même ses chansons les plus dansantes savaient nous prendre par les tripes », dit-elle en ajoutant que sa chanson préférée de Karim demeure Les brumes, de l’album Fox (2013).
On devine qu’elle sera au programme du concert Bye bye bye, avec ses autres, L’amour, La mer à boire, Marie Jo, Le monstre, Karim et le loup. Nous aurons même droit à une chanson inédite, puisque Karim Ouellet était déjà bien avancé dans la conception de son prochain album.
Sarahmée a confié à son amie Ines Talbi la mise en scène du spectacle : « Tu vois, après un enterrement, ce moment où tout le monde se retrouve pour se rappeler et raconter des anecdotes ? Il y a quelque chose de très libérateur dans ces moments, dit-elle en faisant une comparaison avec l’événement du 12 juin. On va laisser parler sa musique et vivre le moment. Je pense que ce sera un show où les gens vont avoir envie de pleurer parfois, puis de crier et de danser juste après, et je n’ai pas envie de favoriser une émotion plus que l’autre. Ce n’est pas grave de faire un show où on aurait envie de nous recueillir dans le silence, c’est beau de vivre ça tout le monde ensemble. Ce qui est beau, c’est qu’on va sentir qu’il n’y a que de l’amour dans cette affaire-là. »
Et un peu de guérison, sans donner l’impression d’une thérapie. Le décès de Karim est survenu, rappelle Sarahmée, « à un moment où la vie n’était pas revenue à la normale en ce qui concerne la pandémie. On a pu se voir entre amis, mais pas beaucoup, et on n’a surtout pas pu prendre du temps pour communier ensemble et le célébrer. C’est arrivé tellement soudainement », ajoute-t-elle en évoquant la douleur toujours présente. « Ce sera une soirée très émotive, mais elle nous fera du bien. »