Mélanie Léonard savoure son passage à l’OSM

La directrice musicale de Symphony New Brunswick, née à Montréal, dirige cette semaine son premier concert à la tête de l’OSM. Elle en a savouré tous les instants, avec des interprétations sculptées et patientes.
Les musiciens et l’administration de l’Orchestre symphonique de Montréal avaient décidé de dédier ce concert à la population ukrainienne et « à tous ceux et celles qui sont touchés par cette tragédie ». Marianne Perron, directrice de la programmation, et Stéphane Lévesque, président du comité des musiciens, se sont exprimés avec tact à ce propos, annonçant au public l’exécution, avant le concert, de l’hymne ukrainien et demandant ensuite un moment de recueillement. Un individu, à la mezzanine semble-t-il, s’est alors mis à éructer « Ah non ! On n’a pas payé pour ça ! », immédiatement contredit par la quasi-totalité du public qui s’est levé en applaudissant l’initiative de l’orchestre. Il n’y eut aucun esclandre par la suite.
Patient et décanté
Nous avons retrouvé Mélanie Léonard devant ces nombreux musiciens comme nous l’avions laissée dans notre mémoire face à la vingtaine d’instrumentistes des Violons du Roy : d’une belle clarté et sobriété de geste. Il est très agréable de la voir diriger et c’est une musicienne sérieuse, pertinente et intéressante.
Avec un programme associant Samuel Coleridge-Taylor et Hannah Kendall dans une œuvre sur des textes de Lemn Sissay, en première partie de la Symphonie du Nouveau Monde, on coche toutes les cases « équité », « diversité », « égalité » et « devoir accompli » dans le bilan de fin d’année au chapitre « Nouveau dogme programmatique ». Dans ce cadre-là, le choix de Coleridge-Taylor et Kendall est heureusement bon. Le premier est un vrai pionnier de l’utilisation d’idiomes « afro-américains » en musique (les guillemets sont dus au fait qu’il est afro-britannique), la seconde se montre très habile dans la traduction musicale des flammèches ou étincelles (on parle ici de fabrication d’allumettes) par l’utilisation de rythmes syncopés.
The Spark Catchers est une pièce sans doute redoutable à mettre en place. On se demande combien de temps de répétition a dû être investi pour cela et donc au bout du compte si cet investissement en vaut la chandelle pour le plaisir d’une programmation conceptuelle « sur le papier », timidement contrebalancée par un si petit succès d’estime.
Dans l’ouverture Hiawatha, Mélanie Léonard a bien clarifié la structure et les lignes musicales et laissé s’épanouir les couleurs de l’OSM. Un jour, on nous jouera une ouverture ou un poème symphonique de Dvořák. Ils sont bien beaux et mémorables, eux — surtout Holoubek, Le pigeon des bois.
Dans la Symphonie du Nouveau Monde, ponctuée d’applaudissements entre les mouvements, Mélanie Léonard a laissé le temps à la musique de se développer, comme si elle savourait le moment et la beauté des coloris. Elle a véritablement sculpté le 2e mouvement, où s’est distingué Pierre-Vincent Plante au cor anglais, malgré une entrée un peu accrochée. À ce tempo, Mélanie Léonard n’a pas manqué l’effet de soupir sanglotant des altos.
Alors que la cheffe s’intéresse beaucoup aux violons, il manquait un peu la hargne venant des cordes graves. Les violoncelles avaient un rôle plus décoratif que moteur, ce qui était parfois gênant dans le 1er volet. C’est matière d’interprétation, mais cela peut aussi être l’acoustique (qui ne favorise pas les graves) ou le pupitre, un peu fade.
Même si l’orchestre n’a pas applaudi son invitée, il l’a bien servie, notamment les énergiques 1er violons menés par Olivier Thouin, positivement déchaînés dans le 4e mouvement.
Au total une belle soirée, avec une Nouveau Monde picturale et nostalgique, intelligemment jouée par les trompettes et trombones, mais parfois étrangement pétaradante aux timbales par rapport à la classe et la tenue d’ensemble.