Du Vivaldi à glacer le sang au Festival Bach

Valer Sabadus au Festival Bach le 1er Décembre
Antoine Saito Valer Sabadus au Festival Bach le 1er Décembre

Le Festival Bach accueillait mercredi le contre-ténor Valer Sabadus, soliste d’un concert confié à l’ensemble montréalais Pallade Musica. Le chanteur a fait très forte impression, sa prestation culminant dans l’air « Gelido in ogni vena » de l’opéra Farnace de Vivaldi.

Soirée crève-cœur : comment choisir entre le récital de Marie-Nicole Lemieux et la venue à Montréal de Valer Sabadus ? N’ayant jamais entendu ce dernier « en vrai », nous avons choisi de nous rendre à l’église St. Andrew & St. Paul.

Depuis une dizaine d’années, Valer Sabadus est l’un des contre-ténors qui comptent en Europe. Il donne la réplique à Philippe Jaroussky et on le voit associé aux projets de Christina Pluhar. Nous n’avons guère ici la perception de son aura musicale, puisque ses récitals sont enregistrés pour Sony et qu’ils font partie de la partie du catalogue que le label ne distribue pas en Amérique du Nord. Il faut donc aller dénicher sur les plateformes d’écoute des airs de Bach et de Telemann, des duos avec Nuria Rial, des airs de Caldara, de Glück et un récital d’airs composés pour le castrat Farinelli.

Technique accomplie

 

En concert à Montréal, Sabadus, accompagné par Pallade Musica, avait choisi un programme centré sur Haendel (airs tirés d’Alcina, Serse et Ariodante) avec deux incursions dans Vivaldi, une dans Caldara et une dans Porpora.

Plus que tout, c’est le « Gelido in ogni vena » (Gelé dans chaque veine) de Vivaldi, popularisé par Cecilia Bartoli, que le contre-ténor a laissé une inoubliable impression, aidé en cela par un accompagnement frêle en volume (10 musiciens), mais très savamment dosé, attentif aux plus infinitésimales nuances.

Bien chanter ne suffit pas ; il faut faire passer le message. L’interprétation déchirante de cet air de Farnace, nettement plus sobre et intériorisé que Bartoli, n’a été qu’une des cordes à l’arc de Valer Sabadus. Le contre-ténor a séduit par l’élégance de son air d’Alcina, la virtuosité des vocalises et la clarté des aigus de « Crude furie » (Serse) tout comme il a révélé un très intéressant registre bas-médium dans l’air de l’Olympiade de Vivaldi.

Valer Sabadus est un travailleur plus qu’un flamboyant à la Jaroussky. S’il rayonne, c’est grâce à une technique suprême avec un placement parfait de la voix dans les résonateurs, ce qui lui permet rondeur et amplitude. La gestion du souffle fait le reste dans les phrasés. Sabadus peut donc se permettre un « Serza infida » de Haendel fascinant de concentration et de largeur.

La prestation de Pallade Musica a gagné en tenue au fil de la soirée. Correcte dans Caldara, très honorable dans le Haendel de mi-programme, elle est devenue notablement excellente dans Vivaldi. Pour ce qui est de l’accompagnement des airs, Valer Sabadus est un chanteur sans doute fascinant à soutenir, car ses inflexions sont naturelles, musicales et très logiques.

Coup de chapeau particulier, sur l’ensemble de la soirée, à la section droite, la moins en valeur de l’orchestre qui, autour d’Elinor Frey au violoncelle et de Mélisande McNabney au clavecin, a réalisé un travail discret, mais d’une solidité musicale à toute épreuve.

 

  

Festival Bach de Montréal

Caldara : La morte d’Abel (oratorio) — Sinfonia n° 3 et air « Quel buon pastor son io ». Porpora : Angelica e Medoro, air « Il piè s’allontana ». Vivaldi : L’Olimpiade — Sinfonia et air « Lo seguitai felice ». Farnace : air « Gelido in ogni vena ». Händel : Sonata à 5, HWV 288. Ariodante, airs « Scherza infida » et « Con l’ali di costanza ». Alcina, air « Mi lusinga ». Serse, air « Crude furie ». Valer Sabadus (contre-ténor), Pallade Musica, Église St. Andrew & St. Paul, mercredi 1er décembre 2021.

À voir en vidéo