Des artistes québécois en attente de leur dû depuis des lustres

Plusieurs artistes qui peinent à être payés pour les albums qu’ils vendent pointent du doigt leur distributeur, Propagande Distribution. Parmi eux, le chanteur Philémon Cimon est le premier à réclamer son dû sur la place publique, lui qui vient de mettre en demeure l’entreprise en l’accusant de ne pas lui avoir versé de chèque depuis avril 2020.
C’est donc dire que depuis plus d’un an et demi, l’auteur-compositeur-interprète n’a pas encaissé un centime de la vente de ses disques et de ses vinyles en magasin. Rien non plus de l’argent auquel il a droit pour certains de ses enregistrements sur les plateformes numériques, telles que Spotify et Apple Music.
Pour cet artiste indépendant qui roule sa bosse depuis plus d’une décennie sur la scène musicale, il s’agit évidemment d’un montant non négligeable qui lui échappe présentement.
« Je suis capable de vivre sans cet argent-là. Je vis des droits d’auteur, des spectacles, des droits pour la scène. Cela dit, c’est quand même un beau gros “motton” d’argent qui me permettrait de produire mon prochain album et de payer mes musiciens », fait valoir Philémon Cimon. Le chanteur insiste pour dire qu’il s’agit surtout d’une question de principe, et non d’argent.
Il reste que depuis qu’il a signé avec Propagande Distribution il y a deux ans, il n’aurait reçu qu’un seul versement pour ses ventes de disques, soit en avril 2020.
Pourtant, d’après l’artiste, son contrat stipulait clairement que la compagnie devait lui faire parvenir un paiement quatre fois par année.
Je vis des droits d’auteur, des spectacles, des droits pour la scène. Cela dit, c’est quand même un beau gros “motton” d’argent qui me permettrait de produire mon prochain album et de payer mes musiciens.
L’interprète de Je veux de la lumière a écrit à maintes reprises à Propagande Distribution pour qu’on lui explique ces retards répétés. Chaque fois, on lui répondait qu’il allait finir par être payé et qu’il n’avait pas à s’inquiéter.
Sa patience a finalement atteint ses limites, mardi, lorsqu’il a exprimé son exaspération sur les réseaux sociaux après avoir envoyé une mise en demeure à son distributeur. « Je n’ai pas envie de les voir couler, je pense que c’est une compagnie qui est utile. Je veux juste qu’ils assument », précise celui qui vient de faire paraître son cinquième opus, L’amour.
Il n’est pas le seul artiste qui doit composer avec le manque d’assiduité de Propagande Distribution. Le Devoir a pu s’entretenir avec l’entourage d’au moins deux artistes dont les affaires fonctionnent plutôt bien, mais qui ont eux aussi eu de la difficulté à toucher leur rémunération dans les derniers mois. Personne cependant, sauf Philémon Cimon, ne veut affronter publiquement cette compagnie, de peur de nuire à l’un des derniers distributeurs québécois encore en vie.
Les dirigeants de Propagande Distribution assurent être conscients des désagréments que causent ses retards de paiement pour les artistes. Ils s’en excusent, mais rejettent une partie de la faute sur les gros détaillants, comme Walmart et Amazon. À cause d’eux, redistribuer les profits entre les maisons de disques et les artistes requiert plus de temps, se défend-on.
« Il y a beaucoup de choses à prendre en considération quand vient le temps de poser des jugements, ou des critiques, il faut faire preuve de discernement et ne pas faire d’amalgame », poursuit par courriel Nicolas Leroux, le président de Propagande Distribution.
Dans sa missive, M. Leroux explique également que sa boîte déborde depuis que son principal concurrent québécois, Distribution Sélect, a annoncé la fin de ses activités au printemps. Plusieurs artistes et maisons de disques se sont donc joints à son écurie, mais les moyens restent les mêmes, par manque de financement public, déplore-t-il.
Propagande Distribution a évité de commenter le cas de Philémon Cimon, refusant d’avancer si l’auteur-compositeur-interprète pouvait espérer être payé plus tôt que tard.