Décès du chef d'orchestre Bernard Haitink, le discret géant de la musique

Bernard Haitink est considéré comme l’un des plus grands chefs d’orchestre de sa génération.
Photo: Tolga Akmen Archives Agence France-Presse

Bernard Haitink est considéré comme l’un des plus grands chefs d’orchestre de sa génération.

Bernard Haitink, l’un des plus grands chefs d’orchestre de sa génération, est mort à Londres à l’âge de 92 ans, a annoncé jeudi soir son agent, Askonas Holt. Le maestro néerlandais est mort chez lui en présence de sa famille, a précisé le communiqué émis.

La carrière de Bernard Haitink, interprète réputé de Mahler et Bruckner, s’étend sur 65 ans. Le maestro néerlandais était connu pour sa modestie et sa pudeur.

Né à Amsterdam, Bernard Haitink a commencé à jouer du violon et du hautbois avant d’apprendre la direction d’orchestre. Il débute en 1954 à la tête de l’Orchestre philharmonique de la radio des Pays-Bas. C’est d’ailleurs à la tête de cet orchestre qu’il a fait ses adieux à Amsterdam, le 15 juin 2019, lors d’un concert publié en CD vendredi 15 octobre dernier par l’étiquette Challenge Records.

Ses premiers pas à la tête de l’Orchestre royal du Concertgebouw Orchestra datent de novembre 1956. Il remplace alors Carlo Maria Giulini dans le Requiemde Cherubini. Le Concertgebouw lui offre des postes dès 1959, dont celui de co-chef principal (avec Eugen Jochum) en 1961. Il en sera le directeur musical de 1963 à 1988. Ces 25 années ont fait sa réputation et ancré les piliers de sa discographie.

Haitink a œuvré auprès d’autres orchestres, tel le Philharmonique de Londres (1967-1979), avec lequel il a enregistré sa première intégrale Beethoven et, chez Decca, une fameuse intégrale Chostakovitch, mais aussi l’Orchestre symphonique de Boston, dont il fut le 1er chef invité entre 1995 et 2004, et l’Orchestre symphonique de Londres, qui lui a offert sur sa propre étiquette de nouvelles intégrales Beethoven et Brahms. L’Orchestre symphonique de Chicago et l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise en ont fait de même. Seul son mariage, en Allemagne, avec l’Orchestre de la Staatskapelle de Dresde, en 2002, a fini avant terme, en 2004.

Parmi les fonctions parfois oubliées, il convient de mentionner la direction de l’Opéra du Covent Garden de Londres (1987-2002) et celle du Festival de Glyndebourne (1978-1988).

Le musicien Haitink était l’homme des remises en question. Habité, voire hanté, par la musique, il avait beaucoup de mal à trouver le sommeil après ses concerts, plus encore lorsqu’il s’agissait d’œuvres comme le Requiem de Verdi ou la 6e Symphonie de Mahler.

ll est très facile de constater à quel point il s’interrogeait sans cesse, lorsqu’on écoute ses interprétations de symphonies de Beethoven au fil du temps, les plus récentes devenant plus « historiquement informées », avec, par exemple un certain allant dans les mouvements lents.

Haitink avait aussi un talent pour créer une forme de magie sonore lorsqu’il arrivait face à un orchestre. Rafael Payare, qui a suivi une classe de maître en 2010 avec lui à Lucerne, peut en témoigner.

La discographie de Bernard Haitink compte plus de 450 enregistrements.

 

En raison de l’air placide et concentré du chef on a très souvent taxé ses disques de bonhomie mais rien est moins vrai lorsqu’on les soumet par exemple à une écoute en aveugle. L’équilibre des masses orchestrales, le sens des crescendos et de la dramaturgie frappe alors. Et on se rend compte de l’éminence de ce chef, par exemple dans la musique de Debussy, ce qui n’enlève rien à la qualité de son legs dans Brahms, Bruckner et Mahler. Haitink peut aussi créer la surprise dans Une Vie de héros de Strauss, ou les Symphonies de Tchaïkovski et Chostakovitch, où personne ne l’attendait vraiment.

Il ne faut pas oublier le chef d’opéra, avec des enregistrements d’opéras de Wagner, un superbe Parsifal en DVD, des opéras de Mozart, mais aussi Pelléas et Mélisande en concert, une œuvre qui le fascinait.

Le futur nous dira ce qui restera de ce discret géant de la musique. Assurément beaucoup de choses

Avec l’Agence France-Presse

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