Front commun pour la parité dans le monde de la musique

On compte aujourd’hui moins de 10% de femmes professeures en composition musicale dans les établissements d’enseignement supérieur.
Photo: Getty Images On compte aujourd’hui moins de 10% de femmes professeures en composition musicale dans les établissements d’enseignement supérieur.

Seulement le tiers des membres de la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (GMMQ) sont des femmes. On compte aujourd’hui moins de 10 % de femmes professeures en composition musicale dans les établissements d’enseignement supérieur. Et les chansons chantées par des femmes ne cartonnent au top-10 de CKOI que dans 1 % des cas depuis 2010. Qu’est-ce qui fait que le milieu de la musique pop au Québec est si en retard sur la parité ? La décentralisation du milieu, répondent les chercheurs.

Pour augmenter la parité, la première étape pourrait donc être de se rassembler. Et de rassembler les informations et statistiques. Donc acte, avec la création de DIG ! (pour Différences et inégalités de genres dans la musique au Québec).

DIG !, c’est une bannière sous laquelle cinq organismes — Femmes* en musique, la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (GMMQ), Lotus Collective Mtl Coop, MTL Women in Music et Shesaid.so MTL — pensent des manières (théoriques et pratico-pratiques) de résoudre le déficit de parité en musique au Québec.

Ces cinq-là et quelques autres se sont rencontrés lors des conférences instaurées par la professeure Vanessa Blais-Tremblay, du Département de musique de l’UQAM. Pour son projet de recherche, des chercheurs y discutaient différents sujets avec des musiciens, des programmateurs de radio, des producteurs, par exemple.

Des organismes ont tellement aimé ces chantiers de réflexion qu’ils en ont voulu plus, demandant des rencontres hebdomadaires. Puis ont formé DIG !. « Ce qui est beau dans ce projet, indique Floriane Barny, de la GMMQ, c’est qu’on collabore maintenant avec des organismes qu’on ne connaissait pas avant, comme Lotus ou SheSaid.so. Et avec d’autres qu’on connaissait, comme MTL Women in Music, mais avec qui on n’avait jamais travaillé encore. »

« Le milieu de la musique est très décentralisé », explique Mme Blais-Tremblay. Cette décentralisation serait une des raisons de la grande disparité. « C’est dur de savoir à qui s’adresser pour régler certains problèmes, ou même pour obtenir des informations et des statistiques. »

Des exemples ? « La Guilde des musiciens représente les musiciens, mais pas les chanteurs, qui, eux, sont à l’Union des artistes. Et on compte énormément de musiciens qui ne sont membres ni de l’un ni de l’autre. Les seules statistiques disponibles viennent de la Guilde. D’où la nécessité d’instaurer des expériences de terrain pour rassembler — rassembler les données, les gens, et se donner l’occasion de construire les ponts qui doivent être construits. »

Ces ponts permettent aussi la mise en commun des ressources. « Avec DIG !, on a compris que certains organismes avaient ce qui nous manquait en réseautage, d’autres en financement », illustre Mme Barny.

On essaie de faciliter la tâche à tous ceux qui veulent diversifier leur groupe, leur orchestre

 

Et c’est ensemble qu’a pu se réaliser, plus aisément, la cartographie inclusive. Sur une page Internet sont rassemblés des outils de découvrabilité de musiciennes et de musiciens de la diversité, des bottins, des informations sur les subventions ou sur les manières pour un artiste d’aller chercher ses redevances pour droits voisins. Des listes de lecture. Des liens vers des formations.

« On essaie de faciliter la tâche à tous ceux qui veulent diversifier leur groupe, leur orchestre, explique la professeure Blais-Tremblay. Selon moi, il faut mobiliser un maximum d’acteurs du milieu pour que la culture change. C’est ce qu’on espère en lançant la cartographie, qui n’est pas un produit fini, mais avec lequel on espère aller chercher d’autres soutiens et d’autres partenaires. »

Parmi les autres effets collatéraux de ces réflexions, la GMMQ a mis sur pied un tout nouveau comité, Femmes et diversité, qui a tenu sa première rencontre en septembre. DIG ! poursuivra ses chantiers de réflexion, dont un à venir, en octobre et novembre, sur les violences sexuelles dans le milieu de la musique. Un prochain portera sur l’enseignement de haut niveau et les manières d’y instaurer des pratiques équitables.

Les instruments ont un genre

En musique classique, 89 % des harpistes sont des femmes. Les musiciennes sont sous-représentées à la contrebasse (10 %), au trombone (10 %), aux trompettes (11 %) et aux timbales (16 %).

 

En musique pop, le plus haut ratio de femmes se retrouve au piano (29 %) et le plus bas, à la batterie (4 %). Ces chiffres proviennent des données 2019 de la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec.


Des musiciennes en chiffres

Selon les données 2019 de la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec, le tiers de ses membres sont des femmes. Sur les 100 membres de la Guilde ayant généré le plus de cotisations d’exercice en 2019, 36 étaient des femmes. La proportion moyenne des femmes dans la pop est de 25 %. En classique, elle est de 48 %. Les processus d’embauche rigoureux du classique et les auditions à l’aveugle pourraient expliquer la différence avec la pop, où les bands se forment par réseautage, et où les musiciens gravitent souvent autour des mêmes orbites.



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