Dans l’antre de la sorcière Jorane

Hemenetset, c’est un mot inventé, comme les affectionne Jorane, un mot destiné à nous mener ailleurs.
Photo: Damian Siqueiros, éléments graphiques Jeff Clermont Hemenetset, c’est un mot inventé, comme les affectionne Jorane, un mot destiné à nous mener ailleurs.

Jorane s’est donné tout le temps qu’il fallait pour réaliser le spectacle Hemenetset, qui prendra l’affiche en avril à Québec et à Montréal. Elle l’a conçu d’abord et avant tout comme un spectacle scénique, vivant, où les musiciens seront appelés à se costumer et à bouger sur scène. On dit aujourd’hui présentiel ?

Puis, animée par l’énergie de l’équipe avec qui elle a conçu son projet, la chanteuse et violoncelliste a cédé à l’envie de faire d’abord un album avec la musique qui forme le fondement du spectacle. C’est ainsi qu’est né Hemenetset l’album, disponible dès maintenant. Hemenetset, c’est un mot inventé, comme les affectionne la musicienne, un mot destiné à nous mener ailleurs. Un mot que l’artiste mystérieuse, mi-sorcière habitée, mi-déesse en transe, répète comme un appel, un ultimatum, un cri.

« C’est un mot qui s’incante à l’impératif, un appel à l’ultime expression de soi, dit-elle, jointe dans sa maison des Laurentides. C’est comme cela que je le décris, que je l’envoie. J’avais demandé à plusieurs personnes de me dire Hemenetset à leur façon. Ils m’ont envoyé des super Hemenetset ». Elle les a d’ailleurs assemblés pour en faire une sorte de bande-annonce du projet.

Décollage pour l’espace

Alors que son dernier album, Mélopée, se déclinait comme une berceuse, une invitation à l’apaisement, voire au sommeil, Hemenetset compte à la fois des séquences éthérées très aériennes, et d’autres pleines de rage et de colère. Elle nous invite ici, avec son équipe, dont plusieurs membres travaillent avec elle depuis des années, à entrer dans une autre dimension, dans les nébuleuses du ciel ou dans les mouvements tectoniques terriens, par lesquels elle a d’ailleurs nommé quelques-unes de ses pièces.

« Les nébuleuses, c’est le lieu de la naissance, de tous les possibles, c’était une bonne façon de nommer les pièces sans leur donner une prédisposition très précise, on n’est pas dans des thèmes pointus, dans une histoire où on peut tout déterminer, on est dans une vastitude. » Dans cet album, elle entend l’air, le feu, la terre et l’eau. Elle voit des tempêtes de sable, des vagues, des forêts luxuriantes, des fleurs magnifiques, des chutes d’eau. « Je suis dans une proposition sans compromis », dit-elle. Lors du spectacle, elle compte d’ailleurs exploiter tant cette notion de l’infiniment grand que de l’infiniment petit.

Parmi ses références, elle cite notamment Jóhann Jóhannsson, pour la musique du film The Arrival. Mais Jorane compose essentiellement de manière instinctive, même si elle dit que toute l’équipe a gardé « un souci d’esthétique assez précis » durant la réalisation, qu’elle cosigne avec Mike Bell. « Pour les instruments acoustiques, le piano, les cordes, la contrebasse, on voulait donner une esthétique, un son, une impression, même si cela paraît étrange, plus froids, plus aériens. » En studio, ils ont ensuite ajouté « l’électro et le sound design qu’on voulait mettre autour de la matrice des cordes, de la composition qui était faite à la base ».

Mais son inspiration provient aussi des livres. Elle cite le livre Femmes qui courent avec les loups, de Clarissa Pinkola Estés, la scientifique Jill Bolte Taylor, les philosophes Emanuele Coccia et Abdenour Bidar, qu’elle aime citer en disant qu’il faut, pour trouver l’équilibre, se relier aux autres, à la nature et à soi.

Passage dans l’antimatière

En guise d’introduction à l’album, Jorane invite son public à traverser la pièce de l’antimatière, une vidéo accompagnée de musique qu’elle entend également projeter à l’entrée du spectacle, qui réunira plusieurs formes d’art.

« Antimatière, c’est vraiment l’antichambre du projet. Antimatière, c’est la pièce pour se déconstruire un peu, essayer d’enlever tous les repères visuels qu’on peut avoir d’avance, les prédispositions, afin de pouvoir entrer à fond dans la nouvelle musique », dit-elle.

En fin d’entrevue, Jorane, généralement très discrète, tient à aborder le fait qu’elle est la nouvelle porte-parole de l’organisme Le phare, enfants et famille, qui apporte des soins palliatifs aux enfants en fin de vie ainsi que des journées de répit pour les parents dont les enfants souffrent d’une maladie à issue fatale. C’est un organisme que son fils Manolo, aujourd’hui âgé de 15 ans, fréquente depuis qu’il a l’âge de quatre ans.

Hemenetset

Jorane, L-A be



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