Le beau coup du Festival Classica

Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre Métropolitain mettaient mardi soir un spectaculaire point final au Festival Classica 2021, une édition à marquer d’une pierre blanche, malgré la pandémie.
Pour sa 10e année d’existence, le Festival Classica a réussi un sans-faute. Sur une période de 15 mois de pandémie a été monté le projet de plateforme numérique Le Concert bleu finalement soutenu à hauteur de 800 000 dollars par les subventionneurs et qui se mettra en branle à la fin de l’année pour le profit de tous les organismes qui le désirent. Par ailleurs les pouvoirs publics ont largement officialisé que Classica entrait dans la cour des grandes manifestations festivalières une aide de 507 500 dollars émanant des ministères de la Culture et des Communications, du tourisme et de la ministre responsable de la Métropole et de la région de Montréal ayant été accordée à cette édition 2021.
Par rapport aux autres manifestations festivalières, plus prudentes, Classica a su, comme le Festival Bach de novembre dernier, maintenir un nombre élevé de concerts : une vingtaine en un peu plus de trois semaines. Cerise sur le gâteau, le directeur artistique Marc Boucher s’était assuré de clore la manifestation avec nul autre que Yannick Nézet-Séguin dirigeant la Grande Messe en ut mineur de Mozart.
Pour ce faire, le concert ne se déroulait pas à l’église de Saint-Lambert, mais à l’Aréna Eric-Sharp. La scène très étagée en profondeur n’avantageait pas les choristes, très distanciées les uns des autres.
Aréna et chant physique
Une fois de plus, la question du commentaire artistique est : « Par rapport à quoi commenter et juger ? ». C’est en soi une prouesse de garder une certaine cohésion à l’intérieur du chœur et entre l’orchestre et le chœur dans ces conditions. Donc constater que tout s’est globalement bien passé est déjà un fait. Par contre, on peut aussi relever que les circonstances nécessitaient de compenser davantage l’adversité. Cela amènerait à faire des choses presque contraires à la musique, comme « cracher » les consonnes ou scander des entrées de motifs de fugues ou marquer davantage les mots qui viennent rompre la ligne mélodique. Ça a l’air vulgaire a priori, mais cela permet à l’auditeur de percevoir le mot « Sanctus » avec des « s » un « c » et un « t », plutôt que de se demander si on vient de chanter « Laboum » ou « Badoum ». Bref, l’aréna demandait un chant moins noble et beaucoup plus physique.
Le retour à la normalité et aux formations denses nous redonnera le tranchant et le juste équilibre des choses. Mais il est vrai que comme dans la Messe en si de Bach, Yannick Nézet-Séguin préférait la douceur des attaques et les grandes arches. De manière spectaculaire il a semblé faire du « Qui tollis », qui détonnait nettement par sa hargne, l’équivalent du « Crucifixus » de Bach. Autre bonne idée : l’enchaînement très rapide entre les diverses sections qui préservait le continuum dramatique et empêchait de faire de la messe une suite de numéros vocaux.
À ce registre nous avons été très bien servis avec Anna-Sophie Neher et la jeune Sophie Naubert en soprano I et II, la première plus aiguë au timbre rond, la seconde avec des couleurs de mezzo parfois et un timbre presque perçant ; les deux très bien assorties. Les hommes ont peu à faire, mais Antoine Bélanger et Hugo Laporte (en remplacement de Marc Boucher) l’ont bien fait.