Amplitude, nouveau distributeur indépendant de musique numérique

Un nouveau distributeur de musique numérique voit le jour au Québec. Amplitude distribution arrive avec une pensée qui touche à celle du commerce équitable et de la consommation de proximité.
Une vision de Panier bleu de la musique, quoi ; et un service clé en main pour que les chansons se retrouvent sur la toile, sur une quarantaine de plateformes d’écoute, de iTunes à Deezer, en passant par Spotify, TikTok ou QUB.
Le service collectif, indépendant et à but non lucratif veut « réduire le nombre d’intermédiaires, et permettre aux artistes de prendre davantage en main leur distribution numérique ».
Fondée par Jacynthe Plamondon-Émond (InTempo Musique), Mark Lazare (producteur indépendant) et Dorothée Parent-Roy (Believe Digital, LaSwell Musique), Amplitude distribution propose un agrégateur numérique à bas prix, pour rendre la distribution numérique accessible aux artistes indépendants. Sans générer de profits. « La joke qui court dans le milieu, c’est qu’on dit qu’il n’y a jamais d’argent à faire en distribution de musique, faque… », s’amuse Dorothée Parent-Roy.
Plus sérieusement : « Il y a un gros manque d’éducation numérique au Québec dans l’industrie. » Celle qui travaille en distribution musicale depuis 2012 a compris qu’il était de plus en plus compliqué pour les artistes indépendants d’avoir des contrats de distribution, « car les distributeurs signent surtout des labels, des maisons de disques. »
Amplitude arrive comme concurrent de Tune Core, CD Baby et Distrokid, tous américains. « On fait face à un marché qui n’offre pas vraiment de service local, et des joueurs qui n’ont pas cette volonté de donner une présence à la musique québécoise, qui va se perdre dans le flot des 200 chansons uploadées par jour sur Tune Core, par exemple. C’est difficile dans ces conditions de travailler la découvrabilité des artistes, et d’attirer l’attention des services de musique en ligne. Ça serait cool que l’argent de la culture reste ici ; et qu’on recommence à développer de l’expertise locale. »
Amplitude veut apporter sa crédibilité, en établissant des critères de sélection. « On veut un minimum de qualité au niveau de l’enregistrement. On ne prend personne qui s’enregistre sur son magnétophone Fisher Price », illustre Mme Parent-Roy. « On ne va pas accepter non plus Ma Tante Ginette qui fait des covers au ukulélé avec son chat qui chante. On se donne le droit de ne pas endosser les propos et contenus haineux. »
Comment Amplitude assurera-t-elle sa longévité ? « En tant qu’organisme sans but lucratif, on se le cachera pas, on va être éligible à des subventions pour assurer la pérennité du service. Mais on commence à l’huile de coude et au bénévolat. »
L’indépendance québécoise
Pour Romuald Jamet, professeur en sociologie de la culture et du numérique à l’UQAC, l’arrivée d’Amplitude est une belle nouvelle. « Historiquement, l’écosystème musical québécois a été assez indépendant, jusqu’autour de 2005, à l’arrivée des grandes plateformes, Spotify et consorts », contextualise le chercheur.
« Amplitude va pouvoir redonner l’indépendance du secteur, en partie perdue ces dernières années. Ça entre en résonance avec la consommation éthique, locale, qui permet vraiment une meilleure rémunération des artistes, parce que l’intermédiaire se propose d’être à but non lucratif — Amplitude propose des coûts très, très inférieurs aux tendances du marché. Elle va pouvoir, je pense, avoir des stratégies beaucoup plus collées au public québécois ; quand ils vont négocier avec Apple ou Spotify, elle pourra faire des stratégies de découvrabilité pour que le bon contenu arrive au bon public. »
Surtout, Amplitude, selon M. Jamet, va pouvoir bénéficier de ce qui est le nerf de la guerre dans le secteur musical : la gestion des métadonnées. « L’industrie du disque ne fait plus d’argent sur les produits musicaux ; », rappelle l’enseignant. « Les majors de ce monde font de l’argent grâce aux métadonnées et aux données associées aux utilisateurs : les données d’écoute, la géolocalisation de ces écoutes, la durée ; de toutes petites données associées aux contenus musicaux, portées par les utilisateurs. »
Car ce sont maintenant les utilisateurs qui produisent des revenus, davantage que les contenus culturels. « Dans ce cadre, un distributeur à but non lucratif va pouvoir assurer sa survie en proposant un suivi de ces métadonnées, et le monétiser. Pour le marché québécois, et surtout en temps de COVID, alors que les revenus des artistes sont en grande baisse parce qu’ils ne peuvent plus faire de revenus de spectacle, Amplitude est une bonne nouvelle. »