L’art du renouveau extrême en attendant le retour des beaux jours

Les festivals hors des grands centres comptent tous miser sur la beauté des décors naturels pour présenter des spectacles en 2021, comme ici le Festival en chanson de Petite-Vallée 2020, qui appliquait les règles sanitaires.
Photo: Alexandre Cotton Les festivals hors des grands centres comptent tous miser sur la beauté des décors naturels pour présenter des spectacles en 2021, comme ici le Festival en chanson de Petite-Vallée 2020, qui appliquait les règles sanitaires.

Habitués aux formules plus souples et aux foules plus modestes que leurs pendants urbains, les festivals musicaux québécois hors des grands centres en sont déjà à plancher sur leurs éditions 2021, malgré la crise. Si les conditions sanitaires le permettent, les amateurs en manque de spectacles « en présentiel » découvriront toutefois des happenings musicaux passablement transformés, en attendant le retour des beaux jours.

Pionnier dans le domaine, le Festival de la chanson de Tadoussac vient d’ailleurs de confirmer que sa 37e édition, annulée en 2020, sera l’occasion de faire passer l’événement de quatre à dix jours, mais pour la seule année 2021, espère-t-on. « On va présenter moins de spectacles chaque jour. On veut éviter la congestion, avec un horizon de 40 à 150 personnes par spectacle, selon les règles sanitaires qui seront en vigueur. C’est une formule encore plus intimiste que ce qu’on connaissait déjà au festival. On peut donc parler d’un festival hyperintimiste », résume son directeur général, Julien Pinardon.

Qu’il s’agisse de ce rendez-vous musical de la Côte-Nord, du Festif ! de Baie-Saint-Paul, du Festival de musique émergente (FME) de Rouyn-Noranda, du Festival en chanson de Petite-Vallée ou du festival Musique du Bout du Monde de Gaspé, tous s’appuient grosso modo sur les mêmes lignes directrices pour élaborer l’édition qu’ils espèrent pouvoir tenir : un public beaucoup plus modeste, une multiplication des spectacles en extérieur et la nécessité de se préparer à toutes éventualités sanitaires.

Photo: Jay Kearney Le Festif de Baie-Saint-Paul a réussi à tenir quelques spectacles en 2020, dont les Cowboys Fringants en plein air.

« On essayait déjà de se renouveler chaque année. On a donc décidé de garder le cap, malgré la situation », explique le directeur général et artistique du Festif !, Clément Turgeon. « On savait que 2021 ne signifierait pas un retour à la normale, alors on a essayé des choses en 2020 avec notre concept de « La Petite Affaire », un modèle de microfestival. Et on croit qu’on pourra présenter des spectacles de petite ampleur cette année, avec des publics de 50 à 100, voire 200 personnes. »

Les règles sanitaires n’en seront pas moins omniprésentes, avec la certitude de règles de distanciation sociale, le port du masque et des mesures d’hygiène strictes. Clément Turgeon estime toutefois qu’en dépit de cela, il est possible d’aider les festivaliers à oublier la COVID-19, le temps d’un spectacle. « Pour notre microfestival de 2020, on ne voulait pas que les gens se sentent seulement en pleine pandémie, avec des chaises en bois à deux mètres de distance dans une salle communautaire sans ambiance. Au contraire, on voulait composer avec les contraintes, mais en s’assurant que le site soit convivial, que les artistes ont du plaisir et que les gens peuvent sentir l’ambiance du Festif !. Ça nous a poussés à essayer de nouveaux sites, comme le dépôt de sable de la ville, pour surprendre le public. »

À Tadoussac, au FME et au festival Musique du Bout du Monde, on mise aussi sur une utilisation plus créative des sites extérieurs. À Petite-Vallée, le directeur général et artistique, Alan Côté, souhaite se doter d’une nouvelle scène ayant l’estuaire du Saint-Laurent en toile de fond. Mais celui qui a déjà annoncé les têtes d’affiche qui chapeauteront les « trois vagues » musicales prévues sur 10 jours (Louis-Jean Cormier, Tire le Coyote et Klô Pelgag) prévoit aussi un chapiteau assez grand pour accueillir 250 personnes en respectant les règles de distanciation.

Photo: Dominic McGraw Le Festival de musique émergente de l'Abitibi a tenu une édition 2020 avec une grande scène pouvant accueillir jusqu'à 250 personnes, tout en respectant la distanciation sociale.

« On voulait déjà bonifier l’offre de spectacles dans la foulée de ceux qu’on présente au lever du soleil dans le parc Forillon. On veut miser sur la beauté des paysages, qui sont vastes en Gaspésie », souligne pour sa part le directeur général de l’événement qui se tient à la pointe de la péninsule gaspésienne, Steve Pontbriand. « Avec ou sans la COVID, c’est une formule gagnante. On ne peut pas retrouver une expérience similaire dans les grands festivals et on peut aussi imaginer que la pandémie aura enlevé le goût des grandes foules à bien des gens, au moins pour un temps », ajoute-t-il.

Les retrouvailles vont faire du bien à beaucoup de monde. Il va y avoir des gens déçus, parce que la capacité d’accueil va limiter le nombre de billets disponibles. Mais les commentaires qu’on reçoit sont surtout positifs.

 

Est-ce que cette crise sera l’occasion pour des vacanciers qui passeront l’été au Québec de partir à la rencontre des festivals hors des grands centres ? Plusieurs le souhaitent, à l’instar du directeur général du festival Musique du Bout du Monde. Mais tous s’entendent pour dire que le retour à la normale devra suivre rapidement, sans quoi l’écueil financier risque de suivre rapidement.

« En 2020, on a réussi à tenir un festival qui a été très apprécié du public. Mais ce n’est pas un modèle d’affaires viable », affirme la vice-présidente du FME, Jenny Thibault. « On espère un retour à la normale en 2022, pour notre 20e édition, mais aussi parce que les festivals, ce sont des produits d’appel importants pour le tourisme en région. »

Si les spectacles en format virtuel ont permis à certains artistes de garder le contact avec leur public, et vice versa, rien ne remplace « l’expérience humaine » d’un festival, avec ses moments de communion et ses découvertes, rappelle Clément Turgeon. « Les retrouvailles vont faire du bien à beaucoup de monde. Il va y avoir des gens déçus, parce que la capacité d’accueil va limiter le nombre de billets disponibles. Mais les commentaires qu’on reçoit sont surtout positifs, parce que les gens n’ont pas vu de spectacles depuis plusieurs mois », résume Julien Pinardon.

Festival de la chanson de Tadoussac

Du 25 juin au 4 juillet

chansontadoussac.com/

 

Le Festif ! de Baie-Saint-Paul

Du 22 au 25 juillet

lefestif.ca/

 

Festival en chanson de Petite-Vallée

Du 1er au 10 juillet

festivalenchanson.com/

 

Festival Musique du bout du monde de Gaspé

Du 5 au 8 août

musiqueduboutdumonde.com/

 

Festival de musique émergente de Rouyn-Noranda

Du 2 au 5 septembre

fmeat.org/

   

Des festivals en quête d’options pour 2021

Académie internationale de musique et de danse du Domaine Forget

 

Le Domaine Forget planche sur différentes options en réel, en virtuel ou en version hybride pour son Académie internationale de musique et de danse (29 000 étudiants de 23 pays depuis 1978) et son Festival international se déroulant entre la mi-mai et la mi-août. « On préfère attendre encore quelques semaines pour prendre les décisions finales », explique le directeur artistique Paul Fortin. Il parle de mars comme date butoir pour décider du sort de l’option traditionnelle en présentiel. L’an dernier l’Académie et le Festival ont basculé en ligne. La quarantaine et les restrictions imposées aux voyageurs posent d’énormes défis. Environ la moitié des participants aux activités artistiques proviennent de l’extérieur du Québec.

 

Le Festival de la Poutine de Drummondville

 

L’événement maintient le cap pour un déploiement en août. La version 2020 a été annulée, tout simplement. La prochaine se prépare mais en respectant la nature de la fête musicale et culinaire. « Inventer un festival c’est déjà compliqué et le réinventer pour une ou deux éditions c’est trop demander, résume Simon Proulx, chanteur du groupe Les Trois Accords et cofondateur de l’événement drummondvillois. Il y a encore de l’incertitude mais on fait quand même des plans pour un nouveau festival cet été. Si on nous donne le droit de faire un événement, on va en faire un. On ne sait pas encore avec combien de spectateurs, mais ce sera donc devant public si on va de l’avant. »

Stéphane Baillargeon


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