Le meilleur du son québécois en 2020

Une cuvée essentielle, chargée à bloc et éminemment consolante a émergé de la noirceur pandémique.
1. Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, Klô Pelgag

Au fil des pochettes des trois disques de Klô Pelgag, on voit une évolution claire : elle porte de moins en moins de masques. On a l’impression d’avoir plus que jamais accès à la chanteuse dans son grandiose Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. Elle signe la plupart des arrangements de ce disque ample et moderne, en plus de révéler plus directement ses zones d’ombre. On s’arrime, on joue et on se chagrine avec elle, bercés par des morceaux souvent bouleversants, toujours riches, au confluent de la pop luxuriante, de l’exploration sonore et de la ballade.
2. God Has Nothing to Do With This Leave Him Out of It, Backxwash

L’histoire d’Ashanti Mutinta, alias Backxwash, immigrante, femme trans, rappeuse expérimentale, paraît condenser une partie des débats de société ayant animé 2020. Or, on ne parlerait pas d’elle si son album n’était pas aussi éloquent : ce disque autoproduit construit sur une base d’échantillons de rock métal est un électrochoc autant qu’une révélation, tant sur le plan du texte et des thèmes abordés que sur le plan de l’émouvante interprétation de la MC qui, grâce à cette œuvre, a remporté le prix Polaris.
3. Boîte aux lettres, Les Hay Babies

Une vraie boîte avec de vraies lettres. L’histoire vécue d’une Jacqueline partie de Moncton vivre sa vie à Montréal. En 1965. Les Hay Babies, Vivianne Roy, Katrine Noël, Julie Aubé, moitié Brady Bunch moitié Partridge Family, en ont cousu main une aventure haute couture. De quoi confectionner des chansons psych-pop épatantes et s’habiller en « linge vintage » (dixit Julie). Ça raconte un peu beaucoup leur histoire à elles trois, mais en version multicolore. Aucun album n’a tourné plus souvent sur le pick-up.
4. Pissenlit, Antoine Corriveau

L’auteur-compositeur-interprète s’est donné pour ce Pissenlit les moyens d’aller ailleurs, de faire différemment. Corriveau le ténébreux mélancolique ? Allez, on ne se réinvente jamais complètement, mais sur ces 13 nouvelles chansons, le voilà… libre ? Et ça lui va à ravir. C’est en même temps son disque le plus pop et celui où on trouve les pièces les plus aventureuses, notamment dans les arrangements. Corriveau parle aussi de nos racines, de notre territoire, et de ceux qui l’habitaient bien avant nous.
5. Uniquement pour toi, Mara Tremblay

De son année la plus sombre a émergé le disque le plus beau de sa vie. Un huitième album qui les contient tous. Un florilège supérieur de mélodies heureuses au milieu d’arrangements qui sont autant de paysages à couper le souffle. Un album dont chaque chanson est un sommet, une sorte de paradis. L’album de la maladie récurrente et de la mort dévisagée, l’album de la main tendue et saisie, l’album de l’indéfectible Olivier Langevin, là pour Mara dans tous ses états. Merci, de la part de chacun d’entre nous.
6. Godspeed : Baptism (Prelude), Naya Ali

Naya Ali ne fait pas d’esbroufe. Pas d’effets de toge, pas de sujets controversés, surtout pas de cette pop-trap- R & B consensuelle qui prend en otages les plateformes de streaming. Son premier album, Godspeed : Baptism (Prelude), lui ressemble : rigoureux et consciencieux. Ce sont les écoutes répétées de ce disque qui finissent par nous faire comprendre que cette musicienne est sans doute l’une des meilleures MC de la scène rap montréalaise. Vivement le printemps prochain pour entendre la suite !
7. Encounter, BEYRIES

C’est peu de dire que ce deuxième disque plus qu’attendu d’Amélie Beyries réconforte. Encounter entoure, enveloppe, accompagne, soutient, soulage. Berce. Caresse. La voix si naturellement belle de BEYRIES, ses mélodies si naturellement étonnantes, ses modulations qui épousent si naturellement les corps, ses chœurs immenses, tout rassure. Et puis, mine de rien, tout confronte. Heureusement qu’elle nous a donné du courage et de la beauté pour aller ainsi à la rencontre de soi, des autres et du monde.
8. Horizon, Mon Doux Saigneur

Ce disque concocté par Emerik St-Cyr Labbé et nourri de ses collaborateurs se démarque par ce qu’un coach de hockey appellerait « les petites choses ». Mon Doux Seigneur offre grosso modo des chansons rock, mais ça ne dit rien. Il y a plein de magie dans ce mélange un peu rétro, feutré, amusant, bourré de guitares. Question de réalisation ? De composition ? D’imagination ? Tout ça. En plus, ce deuxième disque est aussi porté par davantage de bonheur que son prédécesseur. Et c’est contagieux.
9. Someone New, Helena Deland

Rares sont les artistes qui, comme Helena Deland, parviennent à se réinventer dès leur premier album. La sirène folk révélée sur ses premiers EP embrasse aujourd’hui sa part d’ombre sur un premier disque, Someone New, aux orchestrations plus rock, plus expérimentales, qui collent parfaitement au ton, confidentiel et d’une poignante vulnérabilité, d’une autrice-compositrice-interprète posant un regard féministe sur son métier et sur son rapport aux autres.
10. Left my Brain @ Can Paixano (La Xampanyeria) OST, Jesse Osborne-Lanthier

Avec ses 28 compositions, plus de 80 minutes de fascinante, mais exigeante, musique, cet album du Montréalais Jesse Osborne-Lanthier est un monument. Son titre suggère une musique de film, or, à réécouter ce carambolage sonore, on voit défiler dans notre tête les événements de ces mois de pandémie. Entre musique électronique et musique concrète, ces spectaculaires sculptures sonores parviennent à transmettre de vives émotions, parfois plus ludiques, souvent angoissantes.
11. Renegade Breakdown, Marie Davidson & L’OEil Nu

Renegade Breakdown est l’une des propositions les plus étonnantes de l’année musicale. Davidson, dont la réputation sur les planchers de danse n’est plus à faire, fait équipe avec Pierre Guérineau et Asaël R. Robitaille pour offrir ce kaléidoscope touchant à la chanson yé-yé, au jazz, au new wave et aux musiques électroniques, en anglais et en français. L’exploit tient autant à la cohérence de ce disque aux textes magnifiques qu’à l’étendue du registre de ces musiciens.
12. Des feux pour voir, Marie-Pierre Arthur

Ou l’impérieuse nécessité de tout risquer. Un quatrième album sans chercher à frapper fort ni à gagner vite. Un disque sans stratégie de mise en marché. Des expériences à relater, des sentiments à ne pas éviter (doute, tristesse, peur, détresse), des mélodies non préméditées, puis advienne que pourra. Il est advenu qu’on l’a l’aimée encore plus. On la suit quand elle tombe, se relève, crie, hurle, danse. À la fin, pour Puits de lumière, on est là aussi. En vie, très en vie.
13. On frap, Shreez

Dans cette année faste pour le hip-hop québécois, le jeune rappeur Shreez a frappé un coup de circuit avec son premier album, qui présente à un plus vaste auditoire le son drill— ici efficacement reproduit par une brochette de nouveaux compositeurs, tels qu’Alain, P.C. ou RKT Beat. La prosodie unique du MC, sa gouaille, cette pointe d’esprit perçant même les textes les plus crus et ce flair pour les petits refrains accrocheurs rendent cet album encore plus séduisant.
14. Quand la nuit tombe, Louis-Jean Cormier

Un album de Louis-Jean Cormier sans guitare ? Oui, ça se pouvait. Le piano, pour le guitariste-aux-accords-ouverts-emblématiques, c’est la véritable maison d’origine. Le premier ami de ses doigts. La commande d’une musique de film et la collaboration avec Fiori ont ramené l’instrument au centre. Des voyages (Californie, Éthiopie) ont fait pousser des questions. Ont surgi des émotions brutes, et des chansons brutes pour les exprimer. Quitte à décontenancer. Pour mieux avancer.
15. Tu ne mourras pas, Maude Audet

Ça lui va comme un gant, à Maude Audet, la touche nostalgique de ces nouvelles chansons. Enfin, c’est plus qu’une touche, c’est une baignade dans des références folk-rock des années 1970 qui ponctuent Tu ne mourras pas : de Nancy Sinatra à Françoise Hardy en passant par The Mamas and The Papas. Maude Audet y fignole de beaux textes poétiques mais vibrants, où elle témoigne du temps qui passe, pour ses aïeux comme pour ses enfants.