Asteria, la chanson en réalité virtuelle

Alexandre Barrette, Marcella Grimaux et Catherine Simard lors du tournage d’un clip en réalité virtuelle avec Fouki, dans le cadre du projet Asteria, au studio Notre-Dame.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Alexandre Barrette, Marcella Grimaux et Catherine Simard lors du tournage d’un clip en réalité virtuelle avec Fouki, dans le cadre du projet Asteria, au studio Notre-Dame.

Après neuf mois de recherche et développement et près de 400 000 $ investis par un triumvirat de jeunes entreprises du secteur culturel, une expérience de réalité virtuelle musicale unique en son genre voit enfin le jour. Asteria, projet créé conjointement par l’agence et production de spectacles, gérance et maison de disques La Maison Fauve, le studio de conception de technologies du spectacle La Fougue et le studio de création en scénographie Noisy Head, visitera les régions du Québec dès janvier avant de s’installer dans les locaux du Centre PHI.

L’expérience Asteria met en vedette Alexandra Stréliski, Dominique Fils-Aimé, Vincent Vallières, FouKi et Daniel Bélanger. Les trois premiers invitent le spectateur à découvrir la création d’une de leurs chansons, alors que les deux derniers proposeront des courts métrages virtuels inspirés par les chansons de leurs récents albums, Grignotines de Luxe et Travelling. Le projet Asteria est l’une des dix « initiatives innovantes » soutenues par la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) qui, l’été dernier, a bonifié son programme d’aide « afin de faciliter la production et la diffusion de contenus culturels québécois dans un contexte de distanciation sociale ».

La nécessité est mère de l’invention, dit le proverbe. Lorsque la pandémie a mis à l’arrêt quasiment tout le secteur culturel, Catherine Simard, présidente-fondatrice de La Maison Fauve, s’est retrouvée à reporter des tournées et à remettre en question ses productions à venir.

« Je partage mes bureaux avec deux autres entreprises du monde culturel », Noisy Head Studio de la vidéaste et metteuse en scène Marcella Grimaux (qui a notamment signé les scénographies des derniers concerts de Loud et de Marie-Mai au Centre Bell), et La Fougue, qui exploite les nouvelles technologies pour les appliquer aux arts de la scène. « Des gens curieux, des entreprises qui ont travaillé sur de grosses productions internationales, qui connaissent les écrans, la direction artistique, résume Catherine Simard. Du jour au lendemain, on s’est retrouvés à ne plus rien faire » en raison du confinement lors de la première vague de la pandémie.


Or, deux projets de vidéoclips, pour la chanson Entre les étoiles et toi, de Vincent Vallières, et pour Burnout Fugue, d’Alexandra Stréliski, réalisés par Grimaux, étaient déjà en route. « Marcella a eu l’idée, avec Alex [Barrette de La Fougue], de faire ces vidéoclips en réalité virtuelle. » Ces courts métrages furent la bougie d’allumage du projet : utiliser la réalité virtuelle pour raconter autrement l’imaginaire des musiciens. « Lorsque la SODEC a lancé son plan de développement, je me suis dit : plutôt que de faire des vidéoclips, proposons une expérience plus complète, avec l’artiste qui nous parle, qui nous raconte une histoire, une expérience qui permet au spectateur de vivre quelque chose de différent. »

 

Le modèle d’affaires du trio d’entrepreneurs a dû évidemment se plier aux consignes de la Santé publique. Les partenaires ont donc conclu que le meilleur moyen de diffuser Asteria serait de louer aux salles de spectacles (en zone jaune) des lots de casques de réalité virtuelle pour qu’elles puissent programmer des « représentations » de l’expérience, rappelant l’initiative que Björk avait menée il y a quatre ans avec son projet Björk Digital et dont la première nord-américaine s’était tenue au Centre PHI. Des billets seront vendus aux spectateurs pour ces « représentations », et l’expérience sera également offerte aux écoles secondaires en région.

« C’est beaucoup de travail, mais ça permet de rémunérer des musiciens et des techniciens, alors ça en vaut la peine », estime Catherine Simard. Près de huit mois de travail à temps plein ont été nécessaires pour concevoir ces univers en 3D, à l’aide d’Unreal Engine, le moteur de jeux vidéo développé par Epic Games utilisé pour des succès tels que Fortnite, Gears of War 4 et Star Wars Jedi : Fallen Order. Les idéateurs d’Asteria ont ensuite acquis auprès de la firme chinoise Pico Interactive 70 casques haute performance de réalité virtuelle, qui, divisés en deux lots, permettent de mener deux séries de représentations dans des salles différentes. Enfin, ils ont également acheté deux unités de désinfection aux rayons UV de la firme américaine Clearbox pour rendre sécuritaire l’usage répété des casques.

En cette époque où les représentations en salles devant public sont proscrites en zone rouge, une expérience comme celle d’Asteria permet « de vivre un moment musical et d’avoir un accès à une proximité avec l’artiste, comme si on était dans sa bulle, explique Catherine Simard. C’est aussi l’occasion de s’accorder un moment où tout s’arrête, où on écoute attentivement la musique, on regarde l’artiste qui chante — un peu comme lorsqu’on est dans un show. C’est aussi cette dimension-là qui me manque, ce type de lien qu’on cherche avec l’artiste et qu’on ne peut pas vraiment avoir lorsqu’on regarde une performance en streaming, sur un écran. Lorsqu’on est dans une salle de spectacle, on vit une expérience immersive : on est dans la salle, le spectacle est partout autour de soi, la concentration est accaparée par la musique, on te laisse habiter par la musique. C’est ce qu’on essaie de recréer [avec Asteria] : le casque transporte dans un univers musical qui capture toute l’attention ».

Les premières représentations d’Asteria auront lieu dès le 12 décembre à Val-Morin ; à partir de janvier 2021, les villes de Sainte-Geneviève, Sorel-Tracy, Châteauguay, Saint-Hyacinthe et Saguenay présenteront l’expérience de réalité virtuelle.

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