Via Pangée, un regard frais sur le trad

Amis depuis le secondaire, Louis Thibault et Philippe Girard ont grandi dans la région de Lanaudière, épicentre de la musique traditionnelle québécoise, mais n’ont pourtant pas baigné dans le folklore.
Photo: Adil Boukind Le Devoir Amis depuis le secondaire, Louis Thibault et Philippe Girard ont grandi dans la région de Lanaudière, épicentre de la musique traditionnelle québécoise, mais n’ont pourtant pas baigné dans le folklore.

Le bonheur tient parfois à bien peu de choses. Comme pour Louis Thibault et Philippe Girard, colocs au quotidien, Via Pangée en musique : donnez-leur des cordes tendues sur un manche collé à une caisse de résonance, ils seront aux anges.

« On est des trippeux d’instruments traditionnels, dit Philippe. Dans notre musique, on essaie d’intégrer des instruments à cordes, mais d’ailleurs dans le monde — certains qu’on ne maîtrise pas encore, mais on apprend à en jouer en composant. Ça fait partie de notre recherche » et du plaisir qu’on entend si clairement sur le premier album de Via Pangée paru vendredi dernier.

La beauté de la musique de Via Pangée tient à la faculté qu’ont Thibault et Girard de faire apparaître des liens entre les folklores d’ailleurs et le nôtre. Sur ce premier album, le jeune duo de compositeurs, guitaristes et multi-instrumentistes Louis Thibault et Philippe Girard aborde la musique traditionnelle québécoise à travers celle des pays qu’ils ont visités en finissant leur baccalauréat en musique, arrivant sur la scène trad avec une remarquable fraîcheur.

Amis depuis le secondaire, les deux musiciens ont grandi dans la région de Lanaudière, épicentre de la musique traditionnelle québécoise, mais n’ont pourtant pas baigné dans le folklore, affirme Philippe Girard : « On a commencé à jouer de la musique, du rock surtout, chez nos parents, puis on s’est inscrits au cégep de Joliette, mais pas au programme de musique traditionnelle. On a plutôt fait un parcours en jazz — cégep, université — et, après le bac, on s’est mis à voyager. » C’est en allant écouter ailleurs ce qui se faisait de bon qu’ils ont eu envie de replonger dans la tradition musicale du Québec.

« Plus on avançait dans nos recherches sur les musiques traditionnelles, plus on se rendait compte qu’il y avait beaucoup de points communs entre notre tradition et celles qui existent ailleurs, explique Louis Thibault. Des fois, c’est subtil, parfois moins, et on essaie justement de jouer avec ça dans notre création », qui s’appuie aussi sur la découverte d’instruments typiques des cultures que ces deux guitaristes ont fréquentées.

De la modernité dans le trad

 

Par exemple, il y a sur l’album Via Pangée du tres cubano, cette guitare à trois paires de cordes caractéristique de la chanson populaire cubaine, ou encore du sitar (et des tablas) sur 39 heures vers Hampi, composition empruntant au répertoire classique indien certaines progressions d’accords et inspirée par le long périple ferroviaire que Louis a fait entre Jaipur et ce village reconnu pour ses magnifiques temples hindous.

« On n’est pas des “traditionalistes” dans le monde du trad », clarifie Louis à propos du son de Via Pangée. « On a beau venir d’une région reconnue pour cette musique, on ne vient pas de familles nous ayant élevés là-dedans. On n’a pas de violoneux dans nos familles ! On a plutôt découvert les musiques traditionnelles dans notre parcours de musiciens professionnels ; cette musique, ce répertoire, on les avait côtoyés, mais on ne s’était jamais vraiment assis pour essayer de les comprendre et de les mettre en contexte », en lien avec leurs périples et leurs influences.

Car la musique de Via Pangée dégage une modernité qui ne manquera pas d’étonner les amateurs de musique traditionnelle d’ici, « et c’est complètement assumé — on est contents de ce premier disque », dit Louis. Cela s’entend dans les touches de jazz qui ornent certaines pièces, on reconnaît même un peu de musique contemporaine, dans les orchestrations de piano et de cordes — le Quatuor esca, très sollicité par les musiciens de la scène pop indépendante québécoise (Cœur de pirate, BEYRIES, Half Moon Run, Jesse Mac Cormack, pour ne nommer qu’eux), apparaît sur le disque et brille particulièrement sur la délicate Une marche via Pangée en fin d’album.

Via Pangée invente un hybride entre les influences et les cultures musicales : « On n’a pas posé de balises sur cet album, explique Philippe. On s’est simplement laissés aller dans la composition, pour faire un album qu’on aurait envie d’écouter. »  

Deux autres bons filons trad

Quatrième album en un peu plus de dix ans de carrière pour le trio Bon Débarras, constitué des chanteurs et multi-instrumentistes Dominic Desrochers, Jean-François Dumas et Véronique Plasse, trio dont la force réside dans la classe, l’élégance et la polyvalence de ses orchestrations, particulièrement les arrangements vocaux, colorés et dynamiques : passé l’enivrant Reel à Cofa en ouverture, la bien nommée Rince-Bouche(qui incorpore un extrait d’une composition de Michel Faubert) illustre combien ces trois timbres de voix turlutantes cohabitent harmonieusement. Sur l’étonnante Batèche, simplement propulsée par un violon, un harmonica, une guimbarde et de la podorythmie, le trio semble même imiter la prosodie du rap. La présence d’invités injecte une autre vague d’émotions : simple et touchant texte du conteur Simon Gauthier intitulé Regarde, poignante apparition de la poète innue Joséphine Bacon sur Nutshimit, une autre des perles de l’album.


Repères
​Bon Débarras, Les Productions de l’Onde
 

Sur son premier album solo,Olivier Demers, compositeur et violoniste au sein de la formation Le Vent du Nord, dévoile une facette méconnue de sa personnalité musicale. Car sur À l’envers d’un monde, son violon est resté dans l’étui : ici, c’est Demers le guitariste qui s’exprime dans cette chaleureuse collection de compositions instrumentales flottant entre le folk et la musique de chambre, entre les thèmes cinématographiques et les passages dépouillés s’appuyant sur le simple pincement des cordes de son instrument, comme sur la tendre Berceuse pour Louis. Sur Photographie, À l’envers d’un monde, ou encore sur la superbe Partir faire le tour du monde, Demers accompagne sa guitare de souples orchestrations de cordes, et parfois d’une touche de cuivres. Pour le livret de l’album, le musicien a demandé à des hommes et femmes de lettres d’écrire un texte inspiré des douze chansons, dont Michel Rivard, l’écrivaine Roxanne Bouchard, David Marin ou son fidèle complice Nicolas Boulerice, chanteur et multi-instrumentiste du Vent du Nord.

À l’envers d’un monde
Olivier Demers, Cie du Nord
 

Via Pangée

Via Pangée, Indépendant



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