Andrew Wan en première ligne

Andrew Wan, ici avec le maestro Kent Nagano, est le soliste du nouveau CD de l’Orchestre symphonique de Montréal, couplant le Concerto pour violon de Ginastera, la Sérénade de Bernstein et le nouveau Concerto pour violon, «Adrano» (2019), de Samy Moussa.
Photo: Analekta Andrew Wan, ici avec le maestro Kent Nagano, est le soliste du nouveau CD de l’Orchestre symphonique de Montréal, couplant le Concerto pour violon de Ginastera, la Sérénade de Bernstein et le nouveau Concerto pour violon, «Adrano» (2019), de Samy Moussa.

L’automne discographique québécois est pour le moins sobre au rayon classique. Pas de grosses affiches. Du côté des artistes enregistrant pour des labels internationaux, Yannick Nézet-Séguin, qui a connu un flot soutenu de parutions chez DG, bénéficie d’une petite pause, de même que Marie-Nicole Lemieux chez Warner. Le disque Liszt-Thalberg de Marc-André Hamelin chez Hyperion est, nous vous l’avons dit, une petite merveille. Son collègue Louis Lortie nous arrivera le 6 novembre avec le volume 6 de son intégrale Chopin chez Chandos.

Sur nos étiquettes Analekta et ATMA, un artiste se démarque : Andrew Wan, chez Analekta. Il est le soliste du nouveau CD de l’Orchestre symphonique de Montréal, couplant le Concerto pour violon de Ginastera, la Sérénade de Bernstein et le nouveau Concerto pour violon, « Adrano » (2019), de Samy Moussa.

Une remarquable création

 

Ceux qui imaginent que Bernstein va être le gage d’une ambiance à la West Side Story et qu’avec Ginastera, ce sera la Fiesta Mexicana, se trompent lourdement. D’abord, parce que Ginastera est Argentin, et non Mexicain, et que sa musique est essentiellement, ici, une musique de recherche, tortueuse.

Composé en 1963 pour Ruggiero Ricci, le concerto de Ginastera a été enregistré il y a 25 ans par Salvatore Accardo. Face au bricolage orchestral qui accompagne Accardo, Wan et Nagano imposent sans difficulté une « version de référence ». Aujourd’hui, seuls Michael Barenboïm et Hilary Hahn se coltinent ce concerto et, même si l’œuvre est austère, elle est tout de même nettement plus solide (Étude V, Harmoniques et Étude VI, Quarts de ton) que de nombreuses incongruités du dernier quart de XXe siècle.

La Sérénade de Bernstein fait bonne figure, mais pas tout à fait le poids par rapport à Kremer-Bernstein (DG), Quint-Alsop (Naxos) et surtout Gluzman-Neschling (BIS), infiniment plus souples et réactifs. Par contre, l’atout de la présence du concerto de Moussa (15 minutes) est indéniable : c’est une œuvre irradiante, sorte de 1er Concertode Prokofiev du XXIe siècle, avec une section « adamsienne » virtuose (3e mouvement) et un vrai esprit de dialogue.

Andrew Wan est aussi la covedette du deuxième volume des Sonates pour violon et piano de Beethoven (Sonates nos 1 à 3 et no 5) avec Charles Richard-Hamelin. Le changement est infime, mais une partie du charme est rompue par rapport au volume 1, le son étant un peu plus direct et crispé. Il est vrai que la parution concomitante des Sonates nos 1 à 4 par Zimmermann et Helmchen chez BIS ne sert pas nos duettistes, qui poursuivent bien leur parcours, mais pas au même niveau que cette référence.

Découverte baroque

 

ATMA publie une monographie d’œuvres pour vents de Jacques Hétu (1938-2010). Il ne s’agit pas des partitions les plus accessibles et expressives d’Hétu, mais de compositions plus abstraites et pourtant jamais arides des années 1960 et 1970. Il y a des recherches sur les timbres dans des formes courtes et denses. Les Pièces ou Miniatures des années 1960 deviendront, à la fin des années 1970, Élégies et Incantations. Un disque utile, superbement interprété.

ATMA publie aussi le premier disque de sa nouvelle vedette baroque, Marie Nadeau-Tremblay, et de son ensemble, Les Barocudas. Dans son enregistrement La peste, la violoniste montre qu’elle a un caractère très affirmé. Sans concessions, elle livre une musique brute, presque astringente, là où John et Aloysia Holloway avec Lars-Ulrik Mortensen (ECM), mais aussi la Romanesca (HM), dans les Sonates Unarum Fidium de Schmelzer, ici couplé à des compositeurs italiens, arrondissaient les angles. Marie Nadeau-Tremblay est à suivre, d’autant plus qu’il est rare qu’un ou une violoniste soit le moteur d’un projet baroque au Québec…

Analekta publie le volume 3 des Sonates pour piano de Schubert par Mathieu Gaudet, consacré aux Sonates D. 568 et 845. Le projet trouve sa belle vitesse de croisière avec un univers sonore très soigné (piano superbement réglé, enregistré au Palais Montcalm). Pas de quoi se priver de Mitsuko Uchida (notamment dans D. 568), mais c’est une très appréciable contribution, par exemple par rapport à l’enregistrement d’Anton Kuerti, techniquement épouvantable.

Comment pourrait-on ne pas aimer la musique de Jaap Nico Hamburger, lauréat du prix Azrieli ? Après deux minutes, on a déjà vu défiler les ombres de la Musique pour cordes percussion et célesta de Bartók et de la 2e Symphonie de Mahler. Son Concerto pour piano (22 minutes) par Assaff Weisman et l’Orchestre Métropolitain dirigé par Vincent de Kort est publié par Leaf Music. Il n’y a rien d’autre sur le CD.

Outre le Chopin de Louis Lortie (Chandos), le mois de novembre nous apportera un programme français pour violoncelle et piano par Matt Haimovitz et Mari Kodama (Pentatone) et le premier récital, Bach-Mozart, de la soprano Hélène Brunet (ATMA).

 

À voir en vidéo

La peste // Jacques Hétu: musique pour vents // Ginastera — Bernstein — Moussa

Schmelzer, Castello, Rossi, Farina, Marie Nadeau-Tremblay, Les Barocudas, ATMA ACD2 2809 // Pentaèdre, Philip Chiu (piano), ATMA ACD2 2792 // Wan, OSM, Nagano, Analekta AN 28920