Gros plan sur les souffrances du pianiste David Jalbert

Jeudi soir, le pianiste David Jalbert donnait le coup d’envoi de la série de concerts filmés Atma-Livetoune de la salle Bourgie. L’étiquette de disques la plus active et diversifiée au Québec a été reprise par Ad litteram et son directeur Guillaume Lombart, porteurs d’une expertise en webdiffusion à travers la plateforme Livetoune.
L’objectif est de retransmettre des concerts en lien avec des parutions discographiques. Atma cherche à accroître la notoriété internationale des artistes canadiens de son catalogue par l’intégration d’une composante vidéo. Le CD des Sept dernières paroles du Christ par David Jalbert est paru le 11 septembre . Il est d’une excellente tenue musicale pour qui recherche une version pour clavier de cette œuvre plus éloquente dans sa version pour quatuor ou orchestre à cordes, voire sa transcription en oratorio. La déclinaison logique au clavier se trouve plutôt au pianoforte, par exemple avec Ronald Brautigam (Bis). Et qui veut aller dans des contrées plus originales écoutera Alexei Lubimov et son piano à tangentes. La tonicité implacable et sans failles du piano moderne sonne presque comme une « autre transcription ».
Voir la musique pour moins bien l’entendre
Le direct, pour la présentation duquel Matthieu Dugal remplaçait Katerine Verebely, n’a connu aucun accroc. Si l’accès au concert était un peu périlleux (le lien envoyait au spectacle d’une humoriste diffusé la veille), une fois en route, le son était impeccable et la captation dans les normes du métier.
La plateforme Livetoune n’offre pas le choix de la définition vidéo et ne précise pas quelle est la qualité diffusée. Nous avons cru percevoir du 720p. Un clavardage en direct avec le modérateur de l’événement ne nous a pas renseigné davantage.
L’indispensable bouton plein écran bas à droite est peu visible et très difficilement accessible. Il se cache derrière les outils de clavardage. Mais on y arrive.
Il y a des petits détails à parfaire. Des écrans publicitaires s’incrustent jusque très peu avant le début. On ne se sent donc pas arriver dans la salle de concert et l’accueil du spectateur vidéo manque de chaleur et d’ambiance. Par contre, on lui envoie le programme de l’événement dans l’après-midi ; très belle idée. Visuellement il faudrait mieux contrôler les paramètres : ainsi la place devant au milieu devrait être préemptée par un spectateur connu de l’équipe de tournage. Pour ce concert, l’apparition récurrente d’une grosse tête chevelue en plein milieu devenait quasiment un « running gag ».
Reste le dernier point, le plus important : tous les concerts méritent-ils la loupe de la caméra ? Si l’expérience « Met Live in HD » permet d’avoir une autre vision d’un spectacle d’opéra, il n’est pas du tout évident que de voir de si près un pianiste aide à l’écoute et à la perception de la musique. Tout au contraire !
David Jalbert est du genre à ressentir profondément la musique qu’il joue. Les sept dernières paroles du Christ deviennent plus ou moins l’étalage de sa souffrance intériorisée devant la caméra. À distance au premier balcon, ça passe si cela lui permet de « rentrer dans sa bulle ». Mais voir ce rituel une heure en pleine face sur un écran, ça vous « casse le party », si tant est que l’on puisse ainsi d’écrire cette pieuse et profonde méditation.
Certains entrent peut-être en communion avec la musique grâce à ces mimiques. Tant mieux. Nous pas. La question « voir la musique pour moins bien l’entendre » risque évidemment de se poser encore, car le genre est ingrat. Ce n’est peut-être pas pour rien que la vidéo musicale payante (laserdisc, VHS, pay per view TV, DVD, Blu-ray) a enregistré flop sur flop sur flop depuis 30 ans.