Retailles folk pour une époque en mouvement

Avec le départ d’Issac Symonds, Half Moon Run doit se refaire la main pour jouer à seulement trois, ce qu’ils sont en train de faire depuis quelques semaines. 
Photo: Adil Boukind Le Devoir Avec le départ d’Issac Symonds, Half Moon Run doit se refaire la main pour jouer à seulement trois, ce qu’ils sont en train de faire depuis quelques semaines. 

Le groupe Half Moon Run, qui s’est démarqué en ligne ces derniers mois avec ses populaires performances en « covidéos », a décidé de profiter de ce bon momentum pour laisser aller six nouveaux morceaux assez folk, rassemblés dans le EP Seasons of Change qui paraît ce vendredi.

Ces six chansons — dont une instrumentale — ont été enregistrées en même temps que les pièces de leur troisième et plus récent disque, A Blemish in the Great Light, paru en novembre dernier.

« Il nous semblait approprié de garder le disque un peu plus court ; alors, on en a gardé six de côté, explique Conner Molander. Quand on l’écoutait au complet, c’était pas assez cohérent, certaines étaient plus folky. Quelque part, c’était super excitant d’avoir du matériel en réserve comme ça, on savait qu’on en ferait quelque chose et on attendait le bon moment. »

On comprend donc que Half Moon Run, qui vient de gagner un prix Juno dans la catégorie Adulte contemporain, ne lance pas ce vendredi des restants semi-aboutis, mais bien des retailles de luxe, dont l’esprit sonore ne cadrait pas tout à fait avec le reste. « En fait, quelques-unes du EP sont parmi mes favorites de toute la session du troisième disque, particulièrement Look Me in the Eyes, explique Molander. Ce qu’on lance, c’est un peu un addenda de l’album, quoi. »

Du lot, on connaît déjà Grow Into Love, que le groupe avait déjà offerte en performance sur sa page Facebook et qui a connu un succès monstre, tout comme la capsule vidéo de Sun Leads Me On. Dire que Half Moon Run l’a mise en ligne sans avertir aucun des membres de ses équipes. « Ils nous ont dit : “bon, techniquement, vous n’auriez pas dû le faire, mais on va vous suivre parce que ça s’est bien passé” », dit Molander en rigolant. Ça, c’a été une bonne leçon pour nous : suffit de garder nos fans en tête et de faire ce qu’on a à faire. Et les gens vont être là. »

Les nouvelles chansons, comme l’a souligné Molander, sont davantage versées dans le folk que le reste du dernier album. Quelque part, on croirait entendre du Half Moon Run des premières années. « Certaines sont écrites à ce moment-là, explique Molander. All At Once a été écrite en 2011. »

Sur le EP Seasons of Change, on entend du piano, de la mandoline, de l’harmonica, de la guitare slide, entre autres. « L’affaire avec le son très folk, c’est que, quand on est juste assis ensemble, c’est ce qu’on aime jouer. Je ne dirais pas que c’est facile, mais c’est surtout que ça demande une énergie différente du moment où on essaie très fort de créer un son et une énergie qui ne ressemblent à rien. »

Le groupe se sert d’ailleurs de certaines techniques qu’on pourrait qualifier de classiques, qui font que ces nouveaux morceaux sont à la fois bien les leurs, mais donnent ce sentiment de confort.

« C’est plus relax, ou modeste, estime Conner Molander. Les chansons folk, c’est peut-être juste chanter pour le plaisir de chanter, et c’est bien. Je me souviens, quand j’enregistrais l’harmonica dans une des chansons, j’étais dans le studio avec mes écouteurs, et après le réalisateur me dit : “Je ne sais pas, man, tu sonnes comme un vieux monsieur sur sa galerie, est-ce qu’on ne voudrait pas rendre ça plus weird d’une façon ou d’une autre ? Mettre quelque chose par-dessus ?” J’ai dit : “Non ! Un jour ; moi aussi ; je serai un vieux monsieur sur sa galerie ! Pourquoi rendre ça weird juste pour le faire ?” Bon, d’habitude je le fais, mais pas là. »

Changement

 

Au fil des textes de ce EP, on sent beaucoup de mouvement de vie, d’éloignement, un fond de rupture personnelle. Et même si certains textes ont dix ans d’âge, on dirait qu’ils font écho à aujourd’hui. À notre étrange époque sociale d’une part, mais aussi à la vie de groupe de Half Moon Run, qui doit jongler avec le départ d’Issac Symonds, qui avait rejoint le groupe après le premier disque, il y a huit ans.

Les chansons folk, c’est peut-être juste chanter pour le plaisir de chanter, et c’est bien

 

« Je me souviens, on discutait du nom du EP, et Isaac était celui qui n’aimait pas le titre Seasons of Change. Et le jour où il est venu me voir chez moi et pour me dire qu’il quittait le groupe, c’était émouvant. Et sur mon bureau, j’avais la pochette que j’avais dessinée et que ma copine avait peinte. Et quand il a vu le titre, il a dit : « Mmm, Seasons of change, j’aime ça, maintenant ! »

Le groupe devra donc se refaire la main pour jouer à seulement trois, ce qu’ils sont en train de faire depuis quelques semaines. La pandémie aura aussi causé l’annulation de tout leur été de festivals, et par le fait même forcé le groupe à sortir un peu des sillons. « Tu veux vivre la vie que tu n’as pas vécue encore, tu ne veux pas juste répéter les patterns, les habitudes. C’est excitant d’une façon, estime Molander. La métaphore qu’on utilisait, bien avant le départ d’Isaac ou la COVID, c’était qu’on devait brûler du bois mort. C’est du poids qu’il faut retirer, pour que ça repousse. »

Déjà, Half Moon Run travaille sur de la nouvelle musique pour un futur nouveau disque. On verra bien de quel bois ils se chaufferont alors. 

Seasons of Change

Half Moon Run, Crystal Math / Glassnote, dès maintenant

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