L'Orchestre Métropolitain en résidence d’été à la salle Bourgie

Le chef Yannick Nézet-Séguin et les musiciens de l’Orchestre Métropolitain prendront leur place au parterre, où une cinquantaine de personnes pourront se réunir.
Photo: François Goupil Le chef Yannick Nézet-Séguin et les musiciens de l’Orchestre Métropolitain prendront leur place au parterre, où une cinquantaine de personnes pourront se réunir.

Le Devoir a appris que l’Orchestre Métropolitain et la salle Bourgie annonceront ce jeudi matin un partenariat aux termes duquel Yannick Nézet-Séguin et son orchestre entameront une résidence d’été pour travailler et enregistrer sans public les symphonies n° 1 à 8 de Beethoven.

Dès le lundi 15 juin, les musiciens de l’Orchestre Métropolitain se remettront au travail sous la direction de Yannick Nézet-Séguin. L’originalité du projet est d’éviter les œuvres de format réduit, choisies faute de mieux en temps de pandémie, pour s’attaquer aux symphonies de Beethoven dans le cadre du 250e anniversaire de sa naissance. Le tout en respectant strictement les normes sanitaires.

Il n’y aura donc pas de spectateurs, puisque la politique du retour du public en salles n’est pas définie par le gouvernement et, surtout, parce que l’orchestre, à Bourgie, prendra sa place au parterre où une cinquantaine de musiciens pourront se réunir. C’est le modèle des grands enregistrements de disques du Concertgebouw d’Amsterdam que nous vous avons présenté ici même jeudi dernier.

Sans hymne à la libération

La résidence du Métropolitain vise à travailler et filmer les symphonies jusqu’au 23 juillet prochain, date de la fin de cette collaboration, pour une diffusion durant l’été. Si la Neuvième est exclue, c’est entre autres parce que, d’après les calculs de distanciation, seuls 24 choristes auraient pu se trouver au balcon, alors qu’il en aurait raisonnablement fallu 36 ou 40.

Interrogé par Le Devoir, Yannick Nézet-Séguin va plus loin : « Nous en aurons pour un moment encore afin de retrouver une certaine normalité. À mon sens, il y a quelque chose de symbolique dans le fait que nous attendions d’être tous ensemble (public, chœur) afin de compléter le cycle des symphonies. Beethoven est un compositeur qui a toujours été impliqué socialement. Dans une période comme aujourd’hui, il aurait été très réactif. La créativité aurait été exacerbée par ce silence, par cette interruption. C’est particulier que cette pandémie coïncide avec cette année de célébrations entourant son 250e anniversaire. L’Hymne à la joie est un hymne de libération. Le contexte actuel ne nous incite pas à le chanter. »

La directrice de la salle Bourgie, Isolde Lagacé, qui discute avec le Métropolitain depuis avril de l’idée d’une résidence, se félicite de ce qui est pour elle un galop d’essai grandeur nature. « Pour nous, que ce soient 60 musiciens qui occupent le parterre ou un public de 60 personnes, c’est un test intéressant. Avec les techniciens et le personnel de l’OM, on va presque arriver à la capacité maximale avec 2 mètres de distanciation. La beauté de la chose, c’est que ce test se fait en circuit fermé avec la même équipe pendant quatre semaines, des places et des espaces assignés. C’est un stress moindre, mais toutes les questions d’accès et de circulation seront passées en revue. »

Sous l’œil de qui ?

Le projet a été rendu possible par l’ouverture enclenchée par l’annonce gouvernementale du 22 mai sur la possibilité de travailler et de capter en circuit fermé. Pour Yannick Nézet-Séguin le retour à Beethoven comble une série de rendez-vous manqués dans ce répertoire, avec l’Orchestre de Philadelphie à Philadelphie et au Carnegie Hall, en mars, puis avec l’Orchestre de chambre d’Europe en avril, diffusion Internet et enregistrement Deutsche Grammophon à la clé.

Les projets sont toutefois très individualisés, car chaque orchestre a ses propres partitions. « À Montréal, je reprends le même matériel de l’OM avec lequel j’ai dirigé les symphonies de Beethoven. On retrouve les partitions là où nous les avons laissées. » Des changements seront apportés en cours de répétition : « Ma vision est unique, spécifique à chaque orchestre. Il n’était pas envisageable pour moi de prendre les partitions d’un autre orchestre pour les amener ici », précise le chef, qui cherche à reprogrammer les intégrales avec Philadelphie et l’Orchestre de chambre d’Europe.

Reste à savoir qui, à Montréal, immortalisera et diffusera ce moment de notre histoire musicale. Pour le moment, il est avéré que les huit symphonies de Beethoven seront diffusées sur les sites Internet de l’Orchestre Métropolitain et de la salle Bourgie au cours de l’été 2020. Mais cela mérite bien plus. Pour l’heure, « certaines des symphonies seront également disponibles à une date ultérieure sur l’application OHdio de Radio-Canada ». Une solution bien modeste par comparaison à ce que les radios et télévisions publiques des grands pays mettent en branle pour documenter le retour de leurs artistes.

Le Devoir a appris que des discussions sont en cours pour élargir la portée de l’événement, mais rien n’est encore attaché, en dépit de son attrait évident. Il s’agit, à notre connaissance, ni plus ni moins que de la première réunion d’un orchestre complet sur ce continent depuis la mi-mars et de la seule initiative employant un orchestre symphonique dans sa véritable acception hors Autriche, Suède et Pays-Bas.

À voir en vidéo