Le Metropolitan Opera tire un trait sur l’année 2020

La direction du Metropolitan Opera a annoncé lundi en milieu d’après-midi l’annulation de toutes les représentations jusqu’au 31 décembre 2020. La saison 2020-2021 débutera par un Gala de réouverture, le 31 décembre, dont les contours et détails restent à fixer.
La nouvelle de la fermeture du Met pour l’année est évidemment une douche froide au moment où, un peu partout dans le monde, on ne parle que de réouverture des salles. Elle n’en est pas moins très compréhensible par la nature même et la complexité de l’univers de l’opéra, très bien expliquées par Patrick Corrigan, directeur de l’Opéra de Montréal, au Devoir samedi dernier.
D’ailleurs, dans la justification de cette annulation de son automne 2020, Peter Gelb, le directeur général du Met, invoque « l’énorme complexité organisationnelle » dans un cadre où « la santé et la sécurité du personnel et de l’auditoire est la priorité ».
Un cas extrême
Il n’y a pas lieu de tirer de cette mesure radicale des conclusions hâtives et alarmistes sur la réouverture des scènes et des salles en général. N’oublions pas, comme nous le rappelait Yannick Nézet-Séguin le 25 avril, que le Met est une organisation de 1100 employés.
Les productions se construisent et se montent des mois en avance. Il était déjà trop tard pour certaines à l’automne. En entrant dans les détails, on voit qu’il est désormais trop tard pour quelques projets printaniers. Qui plus est, le Met est un opéra de répertoire, ce qui signifie que plusieurs ouvrages différents sont présentés durant une même semaine : la circulation dans l’institution est soutenue, et les changements et déplacements de décors impliquent un personnel nombreux qui ne peut se tenir à deux mètres de distance.
Sur le plan artistique, l’opéra est le genre le plus problématique. C’est du chant : les risques de projection de gouttelettes sont évidents. Les risques du chant choral sont évidents. Le cas du chœur d’Amsterdam ayant chanté Bach début mars et ayant été massivement infecté ensuite est connu. Mais l’origine du risque reste incertaine : les experts débattent pour déterminer si les choristes se sont contaminés en chantant ou en se fréquentant socialement pendant les répétitions.
Le cas de l’orchestre n’est pas plus reluisant : il faudra lever les mesures de distanciation, car il est souvent tassé, qui plus est dans une fosse qui peut faire penser à un incubateur, sans parler de mises en scène qui placeraient les solistes en bonne posture de « postillonnage » au-dessus au bord de la scène.
Plus qu’une annulation, il faut voir le communiqué du Met comme un plan déterminé de reprise au 1er janvier 2021. Les mesures entraînent le report des nouvelles productions de l’automne 2020 : Aïda de Verdi et L’ange de feu de Prokofiev. Mais d’ores et déjà, il est décidé que La flûte enchantée et Don Giovanni au printemps 2021 seront présentés dans les anciens décors, habités des mises en scène connues. Simon McBurney et Ivo van Hove attendront. Pour l’heure, Dead Man Walking de Heggie mis en scène par van Hove est maintenu. Yannick Nézet-Séguin dirigera 26 représentations, et le Met, qui devait faire une pause en février, utilisera ce mois pour enchaîner les Bohème, Traviata et autres Carmen afin de remplir ses caisses.
Les réflexions ont été poussées loin. Par exemple sur le répertoire, lorsqu’on voit, en mars, Lulu de Berg remplacé par Le barbier de Séville de Rossini. Sur le contenu des œuvres, quand pour sa reprise Giulio Cesare de Händel passera de 4 heures et demie avec 2 entractes à 3 heures et demie et un entracte.
Ne reste plus qu’à voir si ces plans tiendront.