Un balado pour comprendre Kate et Anna McGarrigle

Jim Corcoran (à gauche) est le premier invité du balado réalisé par Julien Morissette.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Jim Corcoran (à gauche) est le premier invité du balado réalisé par Julien Morissette.

Un jour qu’il travaillait à son premier disque solo, Têtu, Jim Corcoran est arrivé au studio rejoindre le preneur de son Chuck Gray. Mais Kate et Anna McGarrigle, qui occupaient la case horaire précédente, avaient prolongé leur session, forçant Corcoran à attendre son tour. « Chuck me dit : veux-tu les rencontrer ? J’ai dit… non ! J’étais trop en admiration. Elles étaient trop importantes. »

À la fois monstres de la chanson folk québécoise mais parfois peu prophètes en leur pays, les deux soeurs derrière Cheminant à la ville et Go Leave sont au centre d’un nouveau balado en quatre épisodes, L’heure de radio McGarrigle.

Réalisé par Julien Morissette (entre autres derrière la série audio d’enquête Synthèses) et chapeauté par la Fabrique culturelle de Télé-Québec, le balado permet une plongée dans l’univers d’un clan familial tissé serré, dans le but avoué de faire vivre Kate et Anna McGarrigle dans le coeur de nouvelles générations.

Jim Corcoran est le premier invité qui prend la parole dans L’heure de radio McGarrigle. Assis à côté de Julien Morissette, le chanteur n’a que de bons mots pour les deux soeurs, qu’il a fini par rencontrer à plusieurs reprises, entre autres par l’intermédiaire de Martha Wainwright, fille de Kate.

« Pour certaines personnes, explique Corcoran, les McGarrigle étaient bordéliques. C’était pas poli, pas bien ciselé, pas bien rodé. Mais elles touchaient une corde sensible chez plein de gens pour qui c’était rafraîchissant. Il y avait chez elles une vérité qui comblait un vide. »

Julien Morissette, 31 ans, hoche la tête. Son premier contact avec la musique de Kate et Anna McGarrigle s’est fait dans sa jeunesse avec un court film d’animation de l’ONF, La valse du maître draveur, qui jouait à Radio-Canada.

« Je trouvais ça poussiéreux et quétaine, admet-il en riant. Mais je me suis rendu compte que je ne les écoutais pas avec les bons outils, et c’est un peu ça l’idée du podcast, de donner les outils de compréhension. »

Pour mieux apprécier l’immense travail musical des deux soeurs, Morissette a donc voulu livrer « le contexte de production, le contexte esthétique, politique, culturel, identitaire, celui de la langue aussi. »

Pour y arriver, L’heure de radio McGarrigle se sert de nombreux extraits d’archives, mais aussi de témoignages de plusieurs musiciens (Michel Rivard, les soeurs Boulay), chroniqueurs (notre Sylvain Cormier, Anne Lagacé Dowson) ou de créateurs (Fanny Britt).

Tout ce qui compte

 

C’est sans compter sur l’apport important de Rufus et Martha Wainwirght, généreux de leurs anecdotes et de leurs sentiments. Car la famille est au coeur du balado comme il est au centre de la carrière des McGarrigle et de leur domicile de Saint-Sauveur, le lieu d’ancrage de toute leur galaxie amicale et familiale.

Jim Corcoran rappelle d’une part que c’est à « l’école de la famille » que Kate et Anna ont appris à chanter. « Il n’y avait pas d’ambition autre que le plaisir de chanter dans le moment. Et leurs harmonies de voix, c’est unique, seules des soeurs peuvent avoir cette proximité-là dans la création. »

On comprend à l’écoute du balado que les deux chanteuses ont certes mené une carrière importante, mais qu’elle s’est faite sans une ambition dévorante ou un désir de succès retentissant. En partie parce que ce qui les rendait heureuses, c’était autre chose, dont la famille.

« J’ai retrouvé dans les archives une entrevue faite environ sept ans avant la mort de Kate [en 2010]. Elle disait que le bonheur, c’était de faire du ski de fond dans la montagne, et qu’il fasse soleil. Anna disait que c’était de voir sa famille, et que tout le monde soit en santé », illustre Julien Morissette.

Le réalisateur paraphrase une récente chanson du groupe rap Alaclair ensemble : tout ce qui compte, c’est la famille, chez les McGarrigle. « La chanson et la famille, ces deux choses-là se nourrissent l’une et l’autre dans toute leur carrière ».

L’âge d’or de la radio

Pour son titre, le balado s’inspire de l’album double The McGarrigle Hour, sur lequel on retrouve tout le clan des deux soeurs. Il y a aussi la notion de l’âge d’or de la radio qui aux yeux de Morissette cadrait très bien avec l’identité de Kate et Anna.

« Déjà dans les années 1970, les soeurs McGarrigle étaient vintage un peu, raconte-t-il. Linda Ronstadt disait qu’elles avaient des voies anciennes. »

Tout l’enrobage sonore du balado s’ancre d’ailleurs dans cet univers très vieille école, avec notamment la présence de l’annonceur Daniel Mathieu, qui a eu une longue carrière radio, notamment à Radio-Canada.

Les quatre épisodes sont aussi abondamment nourris de pièces des soeurs McGarrigle, dont certaines ont été reprises par des artistes du moment, comme Tire le Coyote ou Fanny Bloom. Jim Corcoran apprécie ce choix. « C’est important, même urgent, de mettre leur musique, plutôt que [d’uniquement] parler de quelqu’un que les auditeurs ne connaissent peut-être pas. »

Mais les archives et les chansons, « ç’a coûté cher, note Morissette. Je travaille avec beaucoup de producteurs de contenu ou de diffuseurs, et la Fabrique culturelle et Télé-Québec, ce sont les seuls qui veulent aller à ce point-là dans la culture. »

L’heure de radio McGarrigle

Diffusé sur lafabriqueculturelle.tv et sur les principales plateformes d’écoute de balados.

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