Un Oratorio d’une noble humanité

Ce n’est pas la première fois que Kent Nagano aborde l’Oratorio de Noël de Bach à Montréal puisque la « prise 1 » date déjà de 2007 à la salle Wilfrid-Pelletier. La Maison symphonique rend évidemment mieux justice aux effectifs réduits à une quarantaine de chanteurs et un peu moins d’instrumentistes. Choix excellent, les solistes sont positionnés comme des émanations du choeur et non pas des individus placés en avant. L’Évangéliste est, lui, situé au coeur du continuo (violoncelle, petit orgue…).
Pour ceux qui s’en étonneraient, il est absolument normal que les trompettes se détachent du tissu orchestral par un placement en avant à droite, puisqu’elles incarnent joie, lumière et éclat. Le dosage était d’ailleurs plus réussi dans cet Oratorio de Noël de l’OSM que dans la Messe en si d’Arion vendredi dernier, où les trompettes ne s’affirmaient pas assez.
Puisque nous en sommes aux satisfactions concernant les prestations instrumentales, signalons les accompagnements impeccables des airs : trompette dans l’air de basse « Grosser Herr », flûte dans celui de ténor « Frohe Hirten », hautbois dans le duo soprano et basse de la Cantate III, violon solo dans « Schliesse, mein Herze » (alto). Il y avait aussi des subtilités plus discrètes, comme les ondoiements orchestraux très originaux sous le récitatif de basse n° 18 « So geht denn hin, ihr Hirten ».
Kent Nagano semble vraiment aimer cette oeuvre qu’il brosse avec une noble humanité, comme en témoigne la douceur pastorale de la Sinfonia d’introduction de la Cantate II ou le dosage très subtil des sopranos du choeur dans le choral avec récitatif de basse (n° 7) de la Cantate I.
D’entrée de jeu, le choeur a mis beaucoup de coeur à l’ouvrage pour prononcer les consonnes comme il se doit. La vigilance s’est parfois relâchée par la suite. Mais dans l’ensemble, le travail choral était excellent. Du côté des solistes, le jeune évangéliste Hugo Hymas s’est montré un narrateur plus lyrique qu’épique. C’est un choix intéressant dans une oeuvre moins dramatique que les Passions. L’autre idée majeure fut d’opter pour une voix féminine pour les parties d’alto : nécessité, à notre sens, pour les grands solos des Cantates II et III. Wiebke Lehmkuhl est un des meilleurs choix du moment.
Faire venir une soprano d’Allemagne pour une petite intervention angélique et un duo facile est un luxe un peu superflu. Marie-Sophie Pollack a, évidemment, bien fait cela. Quant à Philippe Sly, sa voix a mûri et s’est assombrie. Il a été impeccable d’autorité dans les récitatifs et le duo, mais étonnamment fruste dans le grand air « Grosser Herr », comme s’il l’avait appris un peu rapidement. Son chant sera sans doute plus noble mercredi.