La Chapelle Rhénane: inégales cantates

Pour le 43e concert de son projet de présentation en concert de l’intégrale des cantates de Johann Sebastian Bach, Arte Musica recevait La Chapelle Rhénane pour un unique concert en sol américain. Fondé en 2001 par le ténor et chef Benoît Haller, l’ensemble strasbourgeois réunissait hier sur scène quatre solistes, dont Haller, et huit instrumentistes dans un programme de quatre cantates. Suivant la règle que s’est imposée pour cette série, la directrice d’Arte Musica, Isolde Lagacé, au moins une des oeuvres — ici, Wohl dem, der sich auf seinen Gott, BWV 139 — correspondait au calendrier liturgique. Nonobstant quelques beaux moments, les Strasbourgeois ont offert de ces oeuvres des interprétations parfois fragiles.
Fait plutôt rare, La Chapelle Rhénane est dirigée par un chanteur-chef, qui alterne entre ces rôles, chantant dimanche trois airs. Manquant de tonus et d’aisance dans l’aigu, Benoît Haller peine à rendre le caractère assuré, presque victorieux, de l’air « Gott ist mein Freund » de la cantate BWV 139, qui évoque la confiance que procure, à travers les épreuves, la proximité avec Dieu.
Diriger tout en chantant pose un défi de taille, puisque pareille tâche nécessite, pour faire face au public, de faire dos aux musiciens. Dans ces circonstances, on peut se questionner sur l’utilité des gestes d’Haller. L’orchestre a par ailleurs éprouvé des problèmes de cohésion, les attaques se révélant bien souvent hésitantes et les articulations faisant l’objet de dissensions, notamment dans l’air « Man halte nur ein wenig stille » de la cantate BWV 93.
Une question de choix
De ce manque de direction résulte un certain ennui qu’accentue une approche statique de l’orchestration, la contrebasse doublant presque systématiquement le violoncelle dans le continuo. Ce choix nuit à la différenciation des sections et des numéros, bien qu’il crée à l’occasion des effets frappants dans les récitatifs. Plus aisément audible que dans les grands ensembles, l’instrument y ajoute un coloris très expressif. De manière générale, les récitatifs auraient gagné à être abordés sur un ton moins éminemment lyrique, qui avait pour effet d’en affaiblir le caractère d’aparté et de confidence.
S’imposant difficilement face aux instruments en première partie de concert, les chanteurs ont par la suite pris de l’assurance, jusqu’à offrir une performance tout à fait convaincante de la cantate Es wartet alles auf dich (BWV 187), avec un impressionnant choeur initial et une très belle offrande de la soprano Hasnaa Bennani dans l’air « Gott versorget alles Leben ».
En dépit de certaines faiblesses, le concert aura permis au public montréalais de découvrir le travail de musiciens très actifs en Europe, et des oeuvres de grand intérêt. Pour ces raisons, on ne peut que célébrer l’initiative d’Arte Musica de les inviter.