Chanter du Piché avec Paul

Les 42 spectacles qui célébraient les 40 ans de carrière de Paul Piché ont touché 75 000 personnes.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Les 42 spectacles qui célébraient les 40 ans de carrière de Paul Piché ont touché 75 000 personnes.

On a l’anniversaire facile ces temps-ci. Suffit d’atteindre un chiffre rond, et hop ! Célébration. Spectacle collectif. C’est pratique, bon pour une fin de mois comme pour le fonds de commerce. Il suffit de dix ans, maintenant, pour justifier un branle-bas et une bringue. Ça finit par dévaluer la geste, noble en soi, qui consiste à souligner non sans fierté et non sans émotion ce qui a été vraiment, vraiment important.

Paul Piché, bon exemple. Ces jours-ci paraît 40 printemps, qui n’est pas un simple enregistrement de spectacle anniversaire collectif et pas simplement un autre disque de duos. C’est un prolongement. Ce sont, en studio, des versions qui ont fait du chemin, des versions qui mènent plus loin les rencontres qui ont eu lieu avec les Patrice Michaud, Émile Bilodeau, Laurence Jalbert et compagnie, en toute intimité et dans l’esprit des spectacles de la tournée.

Car on parle ici d’une tournée anniversaire. Les « 40 printemps » de Paul Piché, ça valait le déplacement. La célébration des 40 ans de carrière du gars de La Minerve a littéralement fait le tour du Québec : les 42 spectacles ont touché 75 000 personnes. On aurait dit une Saint-Jean sur la route. Il s’est passé quelque chose dans le ciel, soir après soir. Les invités n’étaient pas toujours les mêmes, se greffant selon les disponibilités à Paul et à sa fidèle équipe, Mario Légaré, Rick Haworth, Pierre Hébert (et Ti-Basse Fournier, et Audrey-Michèle Simard).

Découvrir Paul Piché

 

C’était vivre l’histoire au présent, spectacle après spectacle. Chacun se souvenait où il était, et où le Québec en était, quand Piché est arrivé. Vincent Vallières raconte : « J’ai découvert Paul Piché vers la fin de mon secondaire grâce à une boîte de vinyles qu’un de mes oncles m’a donnée. Il y avait dans la boîte les quatre premiers albums. Je m’en souviens très bien parce que ma découverte de sa musique est arrivée dans ma vie un peu avant le référendum de 1995. Et donc, sur le campus, c’étaient les pancartes du Oui partout, les grands débats, l’éveil d’une conscience politique pour les gens de ma génération. Et la musique de Piché fittait parfaitement avec tout ça. On aimait tellement ça qu’il a été question pendant un temps qu’on fasse un hommage à Piché, avec Gasse dans le rôle de Mario Légaré, évidemment ! »

 J’ai redécouvert son répertoire fabuleux, sensible, à fleur de peau. J’ai rencontré une âme pleine de candeur qui m’a émue. Cachée discrètement en coulisse, soir après soir, je regardais le spectacle les yeux grands ouverts. Je me surprenais à chantonner toutes ses chansons.

Pour Ingrid St-Pierre aussi, il y a d’abord eu Piché à l’école. Comme si c’était dans le curriculum. « Dans mes années de jeune écolière au secondaire à Cabano, j’étais à la barre d’une petite émission quotidienne à la radio étudiante. J’avais un souci indéniable pour le choix des chansons et j’aimais survoler les époques en punaisant sur les ondes des artistes de tous genres. Paul Piché était évidemment bien présent dans mes sélections. » Mais la place de Piché dans le paysage, et dans sa vie, c’est durant la tournée anniversaire qu’elle l’a mesurée. « J’ai redécouvert son répertoire fabuleux, sensible, à fleur de peau. J’ai rencontré une âme pleine de candeur qui m’a émue. Cachée discrètement en coulisse, soir après soir, je regardais le spectacle les yeux grands ouverts. Je me surprenais à chantonner toutes ses chansons. J’étais soufflée par la foule galvanisée qui célébrait cet immense monument de la chanson. Puis c’était le tour de la chanson L’escalier. Les yeux dans l’eau, je saisissais, un peu plus chaque fois, la grande beauté de l’artiste et de son oeuvre. »

À chanter ensemble

 

L’escalier n’est pas sur l’album. Fallait être là. « Un moment de grâce chaque soir, dit Vallières. Je l’ai jamais ratée, de la coulisse. Je l’écoutais toujours comme si c’était la première fois, avec le même frisson. C’est un interprète capable de transporter le public. Il habite complètement ses chansons. Il y va all-in tous les soirs. » Damien Robitaille parle aussi de L’escalier, qu’il a connue à l’école en Ontario, mais plus encore des gens qui l’entonnaient, partout, celle-là et les autres chansons. « C’est impressionnant, vivre ça. C’était plein partout et tout le monde chantait. J’ai vraiment pu plonger à fond dans son univers. C’est notre richesse, le catalogue de Paul. »

Des chansons comme autant de liens. Quand Florence K chante avec Paul Piché en studio, on jurerait que le public est là, mais recueilli. « On a fait Ne fais pas ça plusieurs soirs ensemble durant la tournée. On a vraiment connecté, ça a été un moment très spécial chaque fois. Paul est un monument de notre chanson. Non seulement il a toujours su trouver le mot juste dans ses textes, mais il a le don de créer des mélodies qui nous hantent… pour le meilleur ! » Au-delà de l’anniversaire, l’album entérine une pérennité : ces chansons-là ont vraiment été faites pour durer.

40 printemps

Paul Piché et invités, Audiogram / Sony

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