Les grandes lettres minuscules de domlebo

Il écrit tout en lettres minuscules, sauf les titres de ses projets. Après GRAND NAÏF et CHERCHER NOISE, voici donc ENSEMBLE. Livre-disque signé domlebo. Comme dans Dominique Lebeau, mais sans que ce soit un diminutif pour autant. Pas plus qu’une licence poétique. Un geste, plutôt. Il est libre dans ses propres paramètres, domlebo. Notez qu’il ne se décrit pas comme auteur-compositeur-interprète, ce qu’il est pourtant. Il écrit « inventeur de chansons ». Oui à toutes les contraintes, à condition qu’elles ne soient pas imposées par autrui.
Même ce livre-disque n’est pas un livre-disque au sens où, par exemple, un Fred Pellerin ou les éditions de La Montagne secrète en font. C’est un livret d’album qui n’a pas voulu se laisser insérer dans la fente prévue à cet effet. « C’est pour ça que je dis un disque-livre. Ce n’est pas un livre accompagné d’un disque. C’est vraiment un album de chansons. Tout ce que j’ai écrit autour, je le destinais à un livret ordinaire. Mon ami graphiste a hurlé : “C’est ben trop long, ton affaire, ça va faire 40 pages, ça rentrera pas !” C’est de là que l’idée m’est venue. Et si on mettait le disque dans le livret ? »
L’objet compte
Il en rêvait un peu, avoue-t-il au bout fil qui relie Saint-Lambert et Lacolle. Un bel objet, du beau papier. De l’allure, à l’ère de la dématérialisation. Petit tirage de qualité supérieure. Lettres minuscules, certes, mais serties avec art. « J’ai acheté L’origine de mes espèces, le livre de Michel Rivard. Il est tout mou, t’arrives pas à sortir le disque. C’est une grande oeuvre qui méritait mieux dans sa fabrication. Une très belle idée, pourtant. Je me suis rendu compte, en l’écoutant, que je faisais des pauses entre chaque chanson, pour lire. Une magnifique expérience qui m’a inspiré. »
C’est pour ça que je dis un disque-livre. Ce n’est pas un livre accompagné d’un disque. C’est vraiment un album de chansons. Tout ce que j’ai écrit autour, je le destinais à un livret ordinaire.
Lire l’histoire autour de la chanson. Écouter la chanson en suivant le texte. Et plus tard, une fois les mots et l’histoire gravés dans la tête, laisser résonner les chansons toutes seules. Un rituel renouvelé. Qui plus est, un disque-livre sur la table à l’entrée des petites salles de spectacles, ça attire l’oeil et ça titille le portefeuille : « Quand on l’a dans ses mains, on sait qu’on touche à du beau, ça veut dire qu’on a accordé de la valeur à ce que l’artiste propose. Ça donne envie de soutenir le projet, parce qu’il donne à voir, à lire, à écouter, c’est tangible. »
Et pour dire quoi ? Qu’on est « plus fort ensemble ». Qu’on se souvient « de nouveaux arrivants / tentant leur chance ici / comme bien d’autres avant ». Pour dire aux autres inventeurs de chansons, qui déchantent en recevant leurs chèques en peau de chagrin, que « ceci n’est pas la fin ». Pour se demander si nous aurons « l’intelligence / de faire l’examen de conscience / nous redonner une autre chance / de mériter cette confiance / en nous ». Tout ça et bien d’autres mots en minuscules, doucement chantés : domlebo est un verbomoteur crooner.
Crooner à compte d’auteur
Le disque se lit et s’écoute plus qu’agréablement : il a beau être un ancien des Cowboys Fringants, domlebo est, mine de rien, un chanteur de charme. Pensez à Jim Morrison quand il se laissait aller à un certain romantisme dans Touch Me. En country-folk, blues, ballades et swing léger, discrètement soutenu par Cédric Di Nardo, Jean-Sébastien Clément, Renaud Bastien et quelques autres, c’est de la chanson d’auteur qui pourrait être de la chanson populaire, pour peu qu’elle soit diffusée. Par moments, on n’est pas loin d’un Patrick Norman, voire d’un Pierre Lalonde. « Vraiment ? » Le chanteur domlebo s’étonne des comparaisons. Un peu. « C’est vrai qu’il y a une volonté d’unité de ton. Je chante dans une tonalité où je suis à l’aise, pas trop vite. » Jim, Pat, dom, même combat.
Le spectacle de ce mercredi au Verre Bouteille ne sera pas trop « à perte », espère-t-il, positif mais lucide. « Ça reste difficile, vendre des tickets à Montréal. Mais je ne renonce à rien, ni pour moi, ni pour la planète », affirme celui qui fut président des Artistes pour la paix. « Je pense que cette idée d’une soirée où l’on peut vivre ensemble une expérience, on en a besoin. » Ne serait-ce que pour « nourrir la conversation », comme il l’écrit dans son introduction, en lettres minuscules. « À force d’accumuler les minuscules, offre-t-il pour le plaisir de la rime, ça peut faire un monticule. »