Les généreux percussionnistes des Percussions Claviers de Lyon

On aurait rêvé que les organisateurs de ce concert trouvent un moyen de remplir ce qui restait de places libres dans la salle avec un jeune public, tant la formidable initiative et prestation des Percussions Claviers de Lyon est une fenêtre ouverte sur la musique, même pour des néophytes qui ne s'imaginent pas sensibles au classique.
Les Percussions Claviers de Lyon, c'est un ensemble de cinq percussionnistes qui associent marimba, vibraphones et xylophones. Leur musique est colorée, spectaculaire, même s'ils ne recherchent jamais le spectacle. Ils créent un monde sonore à part, très résonnant, mais avec une résonnance qui ne « bave » pas et permet donc une instantanéité dans la variation de nuances, immédiateté très importante lorsque l'on transpose, par exemple, la Rapsodie espagnole de Ravel.
Ce monde nouveau joue donc sur des nuances, mais aussi sur des textures, dans une gamme allant du bois au métal, et sur la profondeur, du caverneux au sec. L'art de la transposition est de déployer toute la panoplie des ressources sonores pour créer une nouvelle forme d'orchestre.
Faire swinguer les marteaux
Ces percussionnistes sont bien bons, dans tous les sens du terme. Bien trop bons, en fait, de partager aussi généreusement la scène avec la pianiste Hélène Tysman, alors qu'ils devraient prendre toute la lumière des projecteurs.
Alors que les percussionnistes déploient le plus grand art sans avoir l'air d'y toucher, l'attitude d'Hélène Tysman sur scène semble être à l'inverse de vouloir nous montrer que tout cela est bien plus tortueux, difficile et mystérieux que cela en a l'air. Elle invoque la voûte céleste (en l'occurrence les projecteurs du plafond) dans Gershwin, ressent les profondeurs de l'inspiration à coups de balancé de nuque dans Ondine et, cerise sur le gâteau, fait osciller ses doigts sur l'ivoire, à la manière d'un violoniste faisant vibrer sa corde, dans le 2e mouvement de Ravel. Comme la thématique était le jazz, peut-être pensait-elle faire swinguer les marteaux à l'autre bout à l'aide de cette chorégraphie digitale ?
Ces tics de présentation ne se reflétaient pas musicalement dans le Concerto en sol, dont la transcription connaissait apparemment sa première hier soir, mais lestaient de maints maniérismes la Rhapsodie in Blue, notamment avec cette manie de traîner un peu sur le temps pour créer une tension, un tic rappelant une autre pianiste prénommée Hélène.
Gershwin, le bloc le moins intéressant, montrait bien que le piano est un instrument à percussion, mais que le piano était, dans ce contexte, un instrument plus sec et plus pauvre que les autres. Cette gêne n'existait pas dans Ravel qui est beaucoup plus clairement un concerto, donc avec un soliste d'un côté et un orchestre. L'arrangement du concerto est superbe, avec un 1er mouvement très impressionnant. Le milieu du Finale se cherche, tout comme celui de la Feria de la Rapsodie espagnole, dont la Malaguena (2e mouvement) est un tour de force.
Hélène Tysman est une excellente ravélienne, mais il y a beaucoup trop d'Hélène Tysman dans ce concert. À la place d'Ondine au piano, on aurait volontiers découvert un ou deux mouvements de Ma Mère l'Oye dans la transcription des Percussions Claviers, brillant ensemble que l'on aimerait revoir à Montréal, peut-être accueillis par l'Université (la salle Claude-Champagne donnerait le petit surcroît d'aération qui manquait) et, cette fois, seuls en scène.