Verdi au Stade olympique sous l’aile bienveillante de Joseph Rouleau

Peu avant l’exécution de ce Requiem de Verdi à grand déploiement de l’OSM, en plein air sur l’Esplanade du Parc olympique et en lancement de la Virée classique qui se tiendra de vendredi à dimanche à la Place des Arts, la pluie avait cessé et le ciel s’était éclairci. La menace météorologique a tout de même eu des répercussions sur l’assistance, puisqu’on a déjà vu mieux que les 25 000 personnes comptées mercredi.
Ce ne fut pas le seul petit miracle de cette soirée, le meilleur concert en ces lieux depuis que ce type de manifestation est organisé. Ce Requiem de Verdi était dédié à la mémoire de notre grande basse Joseph Rouleau, disparu le mois dernier à l’âge de 90 ans et dont les funérailles auront lieu le 13 août prochain.
Comment, autrement que par la grâce du ciel, interpréter l’apparition de cette mezzo-soprano remplaçante Raehann Bryce-David ? Elle ne connaissait peut-être pas Joseph Rouleau, mais ce qu’elle a livré sur ce podium mercredi soir aurait littéralement transporté notre « Maurice Richard de la musique classique » selon l’astucieuse formule de Gregory Charles.
Il y avait là une prophétesse, mais aussi une mère (Lux aeterna), une chanteuse au tempérament animal, sorte de fusion de Grace Bumbry et Shirley Verrett (chanteuse que Joseph Rouleau admirait tant) en devenir. C’était à en frémir.
L’aile bienveillante de Joseph Rouleau planait de bien d’autres façons sur cette soirée bénie du ciel (les gouttes ont recommencé à tomber parcimonieusement 20 minutes après le concert). Le brillant ténor Seungju Mario Bahg n’était autre que le dernier vainqueur vocal en date du Concours musical international de Montréal, manifestation cofondée par Joseph Rouleau. Enfin, la personnalité incontournable du quatuor vocal était une très impressionnante basse, un homologue et successeur de Rouleau, donc : Ryan Speedo Green.
Face à ces trois chanteurs parfaits, on pouvait craindre pour Leslie Ann Bradley qu’elle pâtisse de la comparaison. La soprano canadienne possède l’ampleur et le métal de l’emploi, mais absolument pas les nuances et les couleurs en dessous du mezzo-forte. Il lui manque les aigus filés, célestes, qui font le contrepoids aux sonorités terrestres, voire infernales, de la mezzo et de la basse. Exemple entre tant d’autres, le « fac eas » indiqué « legato dolcissimo » à la fin de l’Offertoire était haché et dur.
Quatre cents choristes amateurs avaient rejoint les forces de l’OSM pour l’occasion, mais le « mix » amplifié et diffusé sur le site semblait ne tenir compte que des exécutants sur scène, soit les 70 choristes de l’OSM et l’orchestre.
Kent Nagano ne s’est laissé emporter ni par la contemplation ni par les tentations lyriques. Il maintenait la tension, mais quand Verdi demande de relâcher le mouvement, Nagano le fait très peu. Il est dommage que la fin du Lacrimosa ait connu des décalages notamment en raison d’une accélération après l’intervention des solistes. Le chef n’avait pas envie de s’épancher.
Mais il a tenu par ailleurs ses troupes, avec peu de nuances mystérieuses, mais une honorable cohérence dramatique. Cela dit, trois solistes de très haut vol ont largement suffi à notre bonheur en cette incertaine soirée estivale.
