Cette Virée classique ne sera pas la dernière de Kent Nagano!

L’Orchestre symphonique de Montréal entame mercredi à l’Esplanade du Parc olympique, avec le Requiem de Verdi, sa grande semaine estivale, la Virée classique. Contrairement à ce que laisse entendre la tenue d’un « concert de clôture de son ultime saison à titre de directeur musical de l’OSM » en juin 2020, la Symphonie no 2 de Mahler, la Virée classique 2019 ne sera pas la dernière de Kent Nagano qui, comme l’a confirmé au Devoir la chef des relations publiques et relations médias, Pascale Ouimet, assumera l’été 2020 à l’orchestre et fera donc, en quelque sorte, deux adieux de qualité à Montréal.
Cette huitième Virée comportera donc le Requiem de Verdi au Parc olympique, grand concert populaire gratuit mercredi à 20 h, suivi d’une immersion musicale en 31 concerts de 45 minutes entre vendredi soir et dimanche après midi à la Place des Arts. Kent Nagano dirigera 11 de ces 31 volets de la programmation musicale.
Requiem grandiose et complexe
Kent Nagano a déjà dirigé le Requiem de Verdi en 2008, au Festival de Lanaudière, et en mars 2018, à la Maison symphonique de Montréal. Cette dernière prestation, plus sensible que la première, avait été illuminée par la prestation de Marie-Nicole Lemieux. Le quatuor réunit cette fois Leslie Ann Bradley, Ksenia Dudnikova, Seungju Mario Bahg, lauréat du Concours musical international de Montréal 2018, et Ryan Speedo Green.
La particularité de ce troisième Requiem de Verdi de Kent Nagano sera la puissance des forces vocales, avec un choeur de 400 chanteurs, puisque aux forces de l’OSM s’ajoutent des choristes de l’Alliance chorale du Québec, quatorze ensembles réunis et préparés par le chef du Choeur du Musée d’art de Joliette, Jean-Pascal Hamelin.
Le Requiem de Verdi, l’un des chefs-d’oeuvre les plus redoutables de l’histoire de la musique, peut susciter des visions très contrastées. On a coutume de dire qu’il y a deux approches possibles : l’une opératique (spectaculaire) ; l’autre plus mystique, ou sacrée. Le chef Carlo Maria Giulini fut en ceci exceptionnel qu’il réussissait à concilier les deux dimensions. L’opposition opéra-théâtre, facile à comprendre, élude peut-être le fond du problème. Et si la question était plutôt celle de l’attitude de l’homme devant la foi ?
Le chef italien Gianluigi Gelmetti, très grand interprète sous-estimé de cette partition, commence ses répétitions en disant : « Ce n’est jamais un Requiem de soumission pieuse. C’est une affirmation de l’homme face à Dieu. L’homme parle à Dieu face à face. » Pour Carlo Maria Giulini, il s’agissait d’« un drame jusqu’au Tuba Mirum. Mais après, on pleure ».
Ces visions opposées des fondements expressifs du Requiem de Verdi ont une incidence capitale sur la manière d’aborder les nuances. Les indications dynamiques, par exemple, vont du « ppppp » (dans le Libera me) au fortissimo (« ff »). Mais sont-elles des indications volumétriques (de niveau sonore) ou expressives ? Robert Shaw, ancien chef de choeur d’Arturo Toscanini et de George Szell, insistait lourdement sur le fait que ces nuances n’étaient pas à prendre au pied de la lettre, mais donnaient principalement une idée de l’expression.
Un des modes d’expression est la couleur vocale du choeur. Ce choix s’impose d’emblée. Ainsi, le premier mot, « Requiem », se prononce-t-il « Réquiem », avec une couleur claire, déjà céleste, « Rèquiem », avec une certaine gravité, ou « Reuhhquiem », avec une couleur qu’on appelle cuppo et qui simule une voix d’outre-tombe ?
Pour ceux qui se demandent parfois à quoi sert un chef, eh bien, voilà ! Verdict mercredi.
Concerts et activités à foison
Dans sa partie « fin de semaine », la Virée offre plus que des concerts. Dans tout le complexe Desjardins seront proposées des prestations d’ensembles de la relève et de la Symphonie de la Virée. Dans la rue Sainte-Catherine, des activités participatives incluront séances de yoga immersif avec prestation musicale, et ateliers de bhangra (danse indienne originaire du Pendjab) et de percussions.
La Virée, c’est aussi plus que du classique, avec des incursions dans les musiques du monde (musique indienne) et, cette année, des prestations d’artistes autochtones. Florent Vollant accueillera l’artiste multidisciplinaire métis Moe Clark, en compagnie d’une formation réduite de musiciens de l’OSM. S’ajoutent à cela des causeries, des films au théâtre Maisonneuve et des activités d’éveil musical avec les éducateurs du programme La musique aux enfants.
S’agissant des concerts, les trois vedettes internationales principales sont les violonistes Baiba Skride et Vadim Repin et le pianiste Herbert Schuch. Baiba Skride est la lauréate du concours Reine Élisabeth en 2001. Elle interprétera le Concerto no 3 de Mozart samedi à 17 h 30 et mènera un ensemble de musique de chambre dans le Quintette de Chostakovitch vendredi à 20 h 45 à la Cinquième Salle.
Vadim Repin jouera le Concerto no 1 de Bruch, vendredi à 20 h 15 avec Kent Nagano et sera associé à Baiba Skride dans la Sonate pour deux violons de Prokofiev puis Souvenir de Florence de Tchaïkovski, avec d’autres musiciens, samedi à 14 h 45. Il donnera aussi un récital avec Mari Kodama samedi à 18 h 45.
De ces trois hôtes, Herbert Schuch est le moins connu. Celui qui jouera le Concerto no 3 de Beethoven samedi à 21 h, après un récital Beethoven, Brahms et Liszt donné à 16 h 45, est né en Roumanie il y a 40 ans. Il a émigré en Allemagne à l’âge de neuf ans, a été formé au Mozarteum à Salzbourg et se dit influencé par Alfred Brendel.
La Virée vaut aussi et surtout pour les trouvailles que l’on peut y faire. Le Devoir vous suggère d’aller à la rencontre des violonistes d’ici. Blake Pouliot, lauréat du concours OSM Manuvie en 2016, donne un récital samedi à 13 h 15. C’est à écouter juste après Le trio des lauréats, à 11 h 45, qui réunit Timothy Chooi, Bruno Tobon et Carter Johnson.
En moins de trois heures, vous aurez ainsi découvert avec Blake Pouliot et Timothy Chooi deux des trois dauphins (le troisième étant Kerson Leong) de James Ehnes au pays. Ce concert était ainsi programmé avant que Chooi ne remporte le deuxième prix au concours Reine Élisabeth, qui va le propulser sur la scène internationale.
Si vous vous intéressez à la musique de chambre, il y a en fait un quatrième invité de marque : le Quatuor Borromeo, qui propose un concert Bartók et Haydn samedi à 17 h et une association Bach et Mendelssohn à 20 h 30.
La curiosité de la découverte des jeunes talents peut vous guider vers le récital de piano de Carter Johnson, lauréat du concours OSM 2018, qui, samedi à 19 h 15, jouera le Tombeau de Couperin de Maurice Ravel, la Polonaise-fantaisie de Chopin et du Poulenc, ainsi que vers le violoncelliste Andrei Ionita. Ce dernier a remporté le concours Tchaïkovski en 2015 et proposera samedi, dès 11 h 15, la Suite no 1 de Bach et la Sonate no 8 de Kodály.
Mais aller entendre Ionita empêche d’écouter Timothy Chooi à 11 h 45 ; vous voilà déjà aux prises avec le casse-tête inhérent à l’exaltante et frustrante Virée classique !
À écouter ailleurs
Lukas Geniusas. Si vous êtes dans les Cantons-de-l’Est, ne vous ruez pas à Montréal pour la fin de semaine. Il s’y tient à Orford un concert qui en vaut trente : un récital du pianiste Lukas Geniusas. La Croix le nomme « la nouvelle perle du piano russe ». Lors de ses débuts au Québec, Le Devoir écrivait : « Dans ce piano léger comme une crème chantilly, tout chante avec une concentration et une sobriété surprenantes. » Au programme : des sonates de Scarlatti, la Sonate no 3 de Chopin et Dumka de Tchaïkovski. Comme le tout aussi grand Lucas Debargue jouera également Scarlatti à Montréal lors de sa prochaine venue (c’est un scoop !), la comparaison est un must. À Orford musique, samedi 10 août, 20 h.OSQ au Domaine Forget. L’Orchestre symphonique de Québec et Fabien Gabel s’associent au violoncelliste Julian Steckel dans les Variations rococo de Tchaïkovski pour leur concert de samedi prochain au Domaine Forget. En deuxième partie,la Symphonie pathétique. Si vous êtes sur place cette fin de semaine, le concert de dimanche après-midi associe Yoav Talmi et Midori dans Dvorak, Schumann, Beethoven, Mozart et Rossini. Au Domaine Forget, dimanche 4 août, 15 h, et samedi 10 août, 20 h.