Soirée rap, trap, énergique et positive

Alaclair Ensemble
Photo: Renaud Philippe Le Devoir Alaclair Ensemble

Après la soirée électro de mercredi et celle pop de Mariah Carey jeudi, la carte des plaines d’Abraham était toute dédiée au rap, vendredi soir au Festival d’été de Québec. Avec au menu une affiche modifiée par l’annulation de l’américain Lil Pump, qui a permis au groupe montréalo-québécois Alaclair Ensemble de vivre ses premières Plaines lors de l’événement musical. Mais la tête d’affiche de la soirée revenait à la vedette Logic, aussi habile avec la foule que doué techniquement.

Dans un chandail noir à l’effigie de Mickey Mouse, Logic, 29 ans, a vite installé un climat agréable pour son trap débité avec une habilité impressionnante. Son quart était à peine entamé qu’il faisait déjà crier la foule par à coup, comme quand la vague passait dans les gradins du Stade dans le bon vieux temps. Quelques minutes plus tard, il célébrait les 19 ans de Rick, un admirateur au premier rang, en faisant chanter Happy Birthday à la foule.

« Peace, love, positivity », a aussi scandé le rappeur américain qui n’a pas eu une enfance rose, mais qui tire plus que bien son épingle du jeu dans l’industrie musicale d’aujourd’hui. « Tu te souviens de la dernière fois qu’on est venu au Québec ?, lui a demandé son DJ. Il y avait 17 personnes à Montréal et on s’est fait livrer de la pizza au lieu de jouer ». Et Logic de répliquer : « Et là ils sont des dizaines de milliers devant nous ». Et il n’exagérait pas, la foule était généreuse vendredi soir sur les Plaines.

Logic, capable du flot d’un Kendrick Lamar comme de la fougue d’un Eminem, n’a pas fait l’économie de ses bons titres, comme Everybody, Homicide, Wu-Tang (d’ailleurs en concert à Laval au même moment) ou Cocaïne, tirée de son tout récent disque Confessions of a Dangerous Mind.

La presque heure et demie de spectacle a donc vite filé, portée entre autres par un clin d’oeil à We Will Rock You de Queen et par les morceaux Keanu Reeves et « 1-800-273-8255 », le numéro de l’association américaine de prévention du suicide.

Il faut noter l’utilisation originale de la lumière. Les quatre grandes colonnes supportant l’éclairage étaient pratiquement tout le temps en mouvement, formant des lignes diagonales, des chevrons, ou autres formes rompues. À chaque titre sa disposition. Une approche intéressante et assez rare en festival.

La pêche de Gucci Mane

 

Pour sa première fois au Canada, Gucci Mane avait la pêche juste avant Logic. Après s’être fait attendre quelques minutes pendant que son DJ et bras droit mixait des morceaux et soufflait sur les braises de la foule, Mane est monté sur scène tout sourire – sourire qu’il a gardé pendant tout son tour de rap.

L’Américain a rapidement enlevé un coton ouaté de marque Gucci – duh ! – pour déambuler le poitrail à l’air, avec autour du cou un magistral collier brillant, orné d’une pierre presque plus grosse qu’un paquet de cartes.

Son bout de spectacle parsemé de sons de coups de fusil aura été un enchaînement efficace, mais un peu désincarné, espèce de courtepointe cohérente de fragments de ses titres – dont Wasted, Wake Up In The Sky et First Day Out. Il faut dire que Gucci Mane est une bête musicale très productive, lui qui a presque une quinzaine de productions depuis 2005, alors il a du matériel en masse à enchaîner. Pas de temps morts, mais pas tant de contacts avec le public non plus, à part quelques serviettes imbibées de sueur lancées dans la foule et qui feront office de souvenirs (ou pas). Les pistes vocales d’accompagnement étaient par ailleurs un peu trop omniprésentes.

L’énergie de Jazz Cartier

Alors que Gucci Mane était plutôt peinard, l’énergie était au rendez-vous avec le Torontois Jazz Cartier, bête dynamique qui livre avec son DJ des titres intenses, portés un brin sur l’autotune, mais aux crochets efficaces. « I need your energy! », a-t-il crié à la foule avant d’entamer la paradoxale Relax. La foule très réceptive lui en a insufflé une bonne dose, ce qui l’a visiblement poussé pendant toute sa performance. On l’a vu en pleine chanson traverser la foule par le corridor central de sécurité, se rendant jusqu’à la régie à plusieurs dizaines de mètres de la scène, ramenant même un gros paquet de bouteilles d’eau avec lui. Il s’est pendant ce temps-là arrêté pour signer un autographe.

Alors que son allié aux « platines » a abondamment servi de bruits de mitraillettes – chacun son choix d’arme, visiblement —, Jazz Cartier s’est hissé debout sur les épaules de fans à l’avant-scène. Un jeu d’équilibriste qui fait son effet. Derrière lui sur l’écran, Cartier a offert le pire et le meilleur, d’une simulation de danse à 10 $ en isoloir à des extraits du film d’animation culte Akira.

La chance d’Alaclair

C’est donc le groupe local Alaclair Ensemble qui a hérité de l’ouverture de la soirée, avec l’annulation de Lil Pump, qui n’a pas pu prendre son avion en raison de démêlés avec la police américaine. L’organisation du FEQ s’est rapidement retournée vers Alaclair, déjà prévu en fin de soirée lors de l’After-FEQ (qu’ils ont aussi effectué vendredi !).

C’était une consécration méritée et un beau geste de confiance du FEQ. Le groupe a bien livré la marchandise, avec une performance dynamique, aux allures de bordel organisé et accrocheur. Accueillis avec des cris du public à l’avant-scène, les cinq rappeurs et le DJ ont livré oui des valeurs sûres comme Ça que c’tait, Alaclair High, La famille ou Quand même clean — dans laquelle ils citent proverbialement Lil Pump ! —, mais aussi des morceaux moins reconnaissables, comme Bientôt (tirée du dernier disque d’Eman) et Rien qui s’donne.

Les six gars ont livré quelques pas de danse devant l’écran qui affichait des vidéos colorés du groupe, de leur nom en version WordArt et de leur logo, la feuille d’érable renversée. Alaclair a aussi invoqué le nom de Lil Pump à de nombreuses reprises, Ogden choisissant même de le traduire en « petite pompe ».

KNLO a été un des rares à prendre la parole, livrant un hommage aux voisins du Sud. « Il y a d’autres situations où on dit “fuck les States”, mais pour la musique, shout out [chapeau] aux States !». Et la police de là-bas ? Ça reste à voir.

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