Carte blanche à Éric Lapointe: viens voir les chums

Le rockeur aura bu jusqu’à la lie cette confortable soirée sur les Plaines un peu party de salon, un peu karaoké.
Photo: Sébastien Dion Le rockeur aura bu jusqu’à la lie cette confortable soirée sur les Plaines un peu party de salon, un peu karaoké.

Il y a vingt-cinq ans, lorsqu’Éric Lapointe cherchait sa Terre promise, ce n’étaient pas des téléphones intelligents qu’allumaient les fans, mais des briquets. Le temps passe, la musique change, mais les succès du rockeur restent, et c’est un peu tout ça que l’on soulignait mardi soir sur les plaines d’Abraham : vingt-cinq ans de chansons qu’on entonne encore en gang, de Jean-Pierre Ferland à Safia Nolin, en passant par Marjo, Pagliaro, Marie-Mai et nous, le « chœur des Plaines » comme nous a baptisés le héros du mardi au Festival d’été de Québec.

Ç’a commencé de la manière la plus clichée possible, avec une caméra filmant le rockeur en moto roulant jusqu’aux coulisses de la grande scène des Plaines. Prenant son souffle avant de poser le pied sur scène, sous les cris des dizaines de milliers de festivaliers, entonnant L’envie d’une voix pas encore réchauffée, pas davantage d’ailleurs que celle de Garou monté en renfort.

Sur le coup, on a eu une petite frousse. Éric Lapointe tiendra-t-il pendant les 150 minutes que doit durer cette Carte blanche ? Déjà une chanson et le voilà ruisselant de sueur, les veines en saillie sur sa pomme rouge… Et pourtant, dès la tonitruante Bobépine de Plume qui a suivi, Lapointe avait fouetté ses cordes vocales et retrouvé ses repères sur cette grande scène qu’il connaît déjà par cœur.  

Ainsi, le rockeur aura bu jusqu’à la lie cette confortable soirée sur les Plaines un peu party de salon, un peu karaoké en raison des nombreuses reprises offertes et beaucoup panégyrique, avec ces montages d’archives vidéo de Lapointe et les congratulations des collègues venus le rejoindre sur scène. Même le directeur général du FEQ, Louis Bellavance, s’est invité entre deux chansons pour lui remettre sur scène le prix Miroir de la renommée de cette 35e édition.

Aussi généreux fût-il, Lapointe n’a cependant pu nous épargner quelques longueurs au fil de cette trentaine de chansons présentées. Malgré les invités de la première demi-heure, la camaraderie s’est véritablement affermie à partir du moment où Michel Pagliaro a fait irruption sur scène avec sa guitare pour Émeute dans la prison, alimentée par un duel des guitaristes Steve Hill et Stéphane Dufour : spectaculairement pesant et racoleur à souhait, comme le fut plus tard sa version de Coupable, l’un des plus puissants moments de la soirée. Plus tard, lorsque Marjo a couru le rejoindre pour refaire une version exubérante de son succès Illégal, le duo a presque réussi à nous faire oublier l’atroce version plombée de fausses notes de Dream On d’Aerosmith ainsi écorchée par Travis Cormier et Colin Moore.

On retiendra surtout de la soirée quelques-uns de ces petits moments tendres qui flottaient comme la mousse à la surface de ce pichet de chansons hard rock. Lapointe invitant les Sœurs Boulay sur scène, puis s’asseyant près des moniteurs pour les écouter chanter Reste là. Safia Nolin qui rejoint Lapointe pour Loadé comme un gun, sa version nue et tragique partant à la rencontre de l’originale, rock et électrique, de son auteur. Lapointe intimant la foule à chanter avec lui sa version du Beau grand slow de Richard Desjardins. Lapointe en fin de parcours offrant la chanson préférée de sa maman, L’essentiel, avec le concours de son auteure et interprète, Ginette Reno. Même entendre cette Shallow (du film A Star Is Born) dont on a trop abusé en duo avec Marie-Mai dans le rôle de Lady Gaga nous a accroché un sourire, c’est vous dire le genre de miracle qui peut se produire sur les Plaines pendant le Festival d’été de Québec.

« C’est grâce à vous autres si je suis ici — tant que vous allez être là, je vais être là aussi ! » a promis Éric Lapointe. Aux oreilles des fans, cela devait sonner comme une invitation pour son party de 30e anniversaire de carrière.  

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