Leikeli47: haut les masques!

L’énigmatique rappeuse de Brooklyn a mis la foule de la place George-V dans la petite poche avant de son hoodie.
Photo: Sébastien Dion L’énigmatique rappeuse de Brooklyn a mis la foule de la place George-V dans la petite poche avant de son hoodie.

Masque contre masque, nous avions choisi notre camp : peu avant que les huit vétérans « nu-métalleux » costumés de Slipknot prennent en otage la foule monstre des plaines d’Abraham — notre estimation de la taille de l’auditoire est le résultat d’un savant calcul basé sur le nombre d’admirateurs croisés durant la journée portant un t-shirt du groupe —, c’est plutôt auprès de la rappeuse cagoulée Leikeli47 que nous avons choisi d’aller nous défouler lundi soir, à l’invitation du Festival d’été de Québec.

Quatre mois après son dernier concert à Montréal, l’énigmatique rappeuse de Brooklyn mettait la foule de la place George-V dans la petite poche avant de son hoodie, lors d’une des soirées hip-hop les plus courues de cette édition du Festival d’été de Québec, avec A Boogie Wit Da Hoodie en fin de soirée. Or, l’auteure, compositrice et interprète soucieuse de sa vie privée et toujours masquée d’un bandana avait la dégaine et la présence scénique d’une tête d’affiche.

Les jeunes festivaliers n’ont pas tardé à s’échauffer dès les premières mesures de la bombe Iron Mike, servie juste après le trap clinquant Droppin’ — toutes deux tirées de son second album paru l’hiver dernier, Acrylic. Iron Mike, ça vous ravage un plancher de danse en moins de deux, c’est surtout une des chansons-signature de la rappeuse : un mélange de rythmes électros, de dancehall jamaïcain et de rap teigneux, plus près dans le style et l’attitude d’une M.I.A. que d’une Azealia Banks. Du gros son qu’on acceptait les bras ouverts et les hanches actives.

Au parterre se formaient quelques mosh pits ; certains fans avaient pris place sur les épaules des autres. Ce rap mitraillé et militant, féministe et impénitent était comme un coup de canon au ras les Plaines — au bout d’une demi-heure, Leikeli47 a même dû servir un avertissement au public : « Si une autre bouteille d’eau atterrit sur scène, je vous assure que j’arrête ce spectacle. » Après ça, les bouteilles furent lancées vers l’arrière du parterre.

Chants et danses créoles

 

Notre virée avait débuté à 18 h place d’Youville, toujours sous un soleil franc, cette fois accompagné d’une agréable petite brise. Et nous étions seuls devant la scène où allait bientôt se produire la musicienne réunionnaise Maya Kamaty : certes, les marches du Palais Montcalm étaient tout de même occupées et quelques autres spectateurs attendaient les premières notes pour quitter les ombrages et venir danser au soleil, mais cinq minutes avant le début du concert, nous étions seuls au Festival d’été de Québec.

Jusqu’à ce qu’arrivent Pascale et Olivier. Pascale est originaire de l’île de la Réunion, elle y a habité avec son copain Olivier pendant plusieurs années, puis ils se sont installés à Québec, « à cinq minutes à pied d’ici », il y a sept ans. Ils n’allaient certainement pas manquer l’occasion d’entendre Kamaty, la relève du maloya, le style musical populaire de l’île, fille de Gilbert Pounia, cofondateur du plus célèbre orchestre maloya, Ziskakan.

Lorsque la musicienne a pris place sur scène avec son batteur, son guitariste et son claviériste-machiniste, une trentaine de spectateurs se sont avancés de plus près. En ce début de soirée, nous étions tous des VIP, confortables sous la brise et charmés par les rythmes prenants de Kamaty, qui reprend à son compte les codes, les airs et les rythmes du maloya, cette musique descendantes des esclaves africains et malgaches, musique rituelle qui, au milieu du siècle dernier, avait même été mise à l’index par la France.

Le maloya connaît aujourd’hui une renaissance à travers l’interprétation d’une nouvelle génération de compositeurs et d’arrangeurs travaillant avec les instruments modernes, boîtes à rythmes et synthétiseurs — une récente compilation éditée par la maison française InFiné, Digital Kabar : Electronic Maloya from La Réunion since 1980 a contribué à faire connaître cette musique que Kamaty, avec ses chansons électroniquement orchestrées, défend avec tant d’amour.

Sa voix douce était surtout mise en valeur dans les chansons plus mélancoliques, toutes interprétées en créole réunionnais (sauf une, en anglais). Sur les chansons plus cadencées, le sourire dans sa voix s’entendait plus clairement que son timbre, alors qu’elle s’accompagnait à la caïambe, instrument à percussion en forme de planche faite de tiges de bambou remplies de graines. Très fraîche découverte musicale, à la fois exotique et familière dans ses mélodies et son tempo invitant : à revoir le 14 juillet au Balattou, dans le cadre du Festival international Nuits d’Afrique.

Autre île, autre créole : passé 21 h sur la même scène, l’ensemble de musique racine haïtien Lakou Mizik attirait une foule beaucoup plus imposante et dégourdie avec un répertoire riche et respectueux des traditions. L’orchestre formé il y a une dizaine d’années s’assure de garder vivant le vieux répertoire des troubadours, tout en offrant des compositions originales à base de rara, de meringues carnavalesques, de vieux kompa — le tout joué avec l’aide de trois percussionnistes et, surtout, sans synthétiseurs, offrant à un accordéoniste le luxe de nourrir les harmonies du groupe. Attachant et communicatif, Lakou Mizik a obtenu un franc succès auprès des festivaliers, qui ne se faisaient pas prier pour danser.

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