Les maillons de Thus Owls

Ces deux multicréateurs partagent la même pulsion créatrice, de même que les banalités de la vie quotidienne.
Photo: Caroline Desilets Ces deux multicréateurs partagent la même pulsion créatrice, de même que les banalités de la vie quotidienne.

Simon et Erika Angell, à bord de leur vaisseau indie-post-rock Thus Owls, forment le noyau d’un projet collaboratif toujours en mouvement. Le couple-duo jouera deux concerts « intimes » dans le cadre du FIJM mercredi et jeudi.

Le couple partait de Vancouver pour Victoria lorsqu’on a joint le guitariste des deux, Simon Angell, en attente d’un traversier. Saut de puce dans la vie quotidienne d’un couple qui, en plus d’avoir signé ensemble quatre albums, a fait un enfant et fondé une maison de disques (« c’est plus notre maison de créativité »). Partager la même pulsion créatrice et les banalités de la vie quotidienne, n’est-ce pas trop envahissant ? « C’est sûr que, des fois, on doit faire des pauses, s’accorder du temps, dit Simon, un rire dans la voix. Là, notre enfant, elle n’est pas venue avec nous, elle est chez mes parents ! »

Concessions normales pour ces deux artistes, qui ont passé des années à jouer dans les projets d’autres créateurs, lui notamment chez Patrick Watson, elle avec Lonely, Dear. Et d’ailleurs, c’est comme ça qu’ils se sont rencontrés et que la belle histoire de Thus Owls a débuté : pendant une tournée. S’adapter aux contraintes de la vie sur la route est donc dans leur ADN.

Mais désormais, l’envie de n’en faire qu’à leur tête — celle que l’on attrape quand on devient parent — prend plus de place. « Il y a une époque, je pense, où on accordait plus d’importance à certaines choses, dit Simon au téléphone. Le succès. Il y a un bout où on adaptait notre musique à un public, je pense. Maintenant, je m’en sacre ! »

Enfanter l’oeuvre

Marque de maturité que celle de s’affranchir, dit-il. Cette libération s’entend dans The Mountain That We Live Upon, leur petit dernier, plus éthéré, plus prog. Post-rock à l’os, dosé par le chant charnel d’Erika, en prêtresse mystique qui évoque dans ses paroles la gestation : autant celle que l’on fait pour une oeuvre que pour un être humain. « Erika était très impliquée dans des organisations féministes quand on vivait en Suède, précise Simon. On fait partie de ces gens qui ont réfléchi longtemps avant de faire un enfant. Deux artistes, souvent sur la route… Et la réalité, c’est que, dans beaucoup de cas, avant d’avoir un enfant, les tâches sont super bien partagées, mais après, c’est la femme qui fait tout. On se posait toutes ces questions-là quand Erika a écrit les paroles. »

L’album porte donc cette marque d’un je-m’en-foutisme nouveau, mais la présence sur scène aussi. Le duo n’est en fait pas un duo, mais plutôt un trio et le batteur Samuel Joly (Klaus, Marie-Pier Arthur, Fred Fortin) est toujours présent sur scène pour rythmer les compositions du couple. Mais la disposition « ordinaire » guitare-batterie-claviers, cela a déjà été vu, pas vrai ? À l’automne dernier, Thus Owls avait présenté une expérience sonore et visuelle en guise de lancement d’album, avec projections et solo de danse contemporaine. Forts de leurs connexions dans le milieu artistique, ces deux multicréateurs qui semblent connaître tout le monde aiment bien s’entourer. Pour ces deux concerts au Festival de jazz, comme la salle est petite, pas de projections ou de danse, mais deux contrebasses partageront la scène avec le groupe. « On fait quelque chose de plus simple, mais on essaie quand même d’expérimenter tout le temps. Pis les gens qu’on invite à jouer avec nous, on les laisse vraiment libres, alors je pense que ça enrichit bien Thus Owls. Moi, quand je joue avec d’autres, j’aime pas ça quand on me cadre trop, alors je fais pareil avec les autres qu’on [invite]. »

Le groupe a pris goût aussi au fait de repenser le rapport artiste-public en se relocalisant au centre de la salle. « On n’a pas inventé ça, de jouer off stage, bien sûr, dit le guitariste-bassiste-pédaliste. Mais on aime bien voir où ces choses-là peuvent mener, de voir comment les gens vont réagir, quand on est parmi eux. »

Thus Owls sera au m2 mercredi et jeudi à 19 h.



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