Yannick Rieu: couleurs Coltrane

En entrevue la semaine dernière, Yannick Rieu racontait qu’il perçoit Coltrane comme un être qui était en perpétuelle recherche de nouveaux chemins, tant intérieurs et musicaux.
Photo: Catherine Legault Le Devoir En entrevue la semaine dernière, Yannick Rieu racontait qu’il perçoit Coltrane comme un être qui était en perpétuelle recherche de nouveaux chemins, tant intérieurs et musicaux.

Rendu au rappel de son concert, Yannick Rieu a annoncé que son quartet allait « sortir un peu de Coltrane » et de l’album au programme de la soirée pour plutôt jouer un standard. Puis, en ajustant son saxophone, il ajouta : « Quoiqu’on n’est jamais vraiment rentré dedans. » C’était, précisons, une boutade.

Car Rieu a dirigé samedi à la Cinquième salle (qui était comble) le parfait hommage à Coltrane : loin de l’oeuvre originale — dans le cas présent, Both Directions at Once : The Lost Album, cet album inédit datant de 1963 et révélé l’an dernier —, mais au plus près du sens de la musique du géant américain.

C’est-à-dire ? Plutôt que jouer l’album d’un bout à l’autre, Yannick Rieu a choisi une approche toute coltranienne : s’inspirer de l’oeuvre (dans le cas présent, en conservant comme pivot les courts thèmes mélodiques des pièces) pour explorer tout ce que le jazz compte de couleurs, cela grâce à de longues et vigoureuses improvisations.

Both Directions at Once a donc été un point de départ, une rampe de lancement, le prétexte d’une mise en orbite. Rieu avait suivi la même approche au moment de s’attaquer au colossal album A Love Supreme, il y a quelques années. Et dans les deux cas, c’est ce choix de la liberté absolue qui explique la beauté — la puissance — du résultat.

En entrevue la semaine dernière, Yannick Rieu racontait qu’il perçoit Coltrane comme un être qui était en perpétuelle recherche de nouveaux chemins, tant intérieurs et musicaux. Et qu’il serait « ridicule » de tenter de le copier. C’est donc un quartet totalement affranchi qu’on a trouvé sur scène samedi, et tant mieux.

Avec Jean-Michel Pilc au piano, Rémi-Jean Leblanc à la contrebasse et André White à la batterie, Yannick Rieu (sax ténor et soprano) a exploré des territoires parfois très doux, mais aussi parfois tourmentés. À des séquences blues bien senties, des éclats pas si loin du free ont fusé. Des contrastes, de l’intensité, de la profondeur — splendide et douce version ténor / piano de « Nature Boy ».

Le constat, c’est que John Coltrane a légué beaucoup plus que des albums immémoriaux. Il a laissé en héritage une manière d’approcher la musique pour, toujours, l’amener ailleurs. C’est ce dont le quartet de Yannick Rieu a témoigné samedi. Et en ce sens, il est totalement rentré dedans.

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