Rugir comme un tuba

Après avoir joué l’an dernier au FIJM au sein de l’ensemble Sons of Kemet, Theon Cross revient présenter le matériel de son premier album, le bien nommé «Fyah».
Photo: Festival international de jazz de Montréal Après avoir joué l’an dernier au FIJM au sein de l’ensemble Sons of Kemet, Theon Cross revient présenter le matériel de son premier album, le bien nommé «Fyah».

On le répétera aussi souvent qu’il le faut : en termes d’énergie et de créativité, la nouvelle scène jazz britannique n’a rien à envier à celle de la côte ouest américaine si bien représentée par Kamasi Washington et sa tribu de revivalistes du hard-bop / jazz-funk. Une véritable pépinière de talents, la Grande-Bretagne, et en voici une autre preuve : Fyah, le premier album du compositeur, chef d’orchestre et tubiste Theon Cross, épatante démonstration de la puissance des rythmes africains et afro-caribéens lorsque transposés dans un contexte jazz — et sur la scène de L’Astral le 1er juillet, à l’affiche du Festival international de jazz de Montréal.

Deux en deux pour Theon Cross qui, après avoir joué l’an dernier au FIJM au sein de l’excellent ensemble Sons of Kemet mené par le saxophoniste Shabaka Hutchings, revient cette fois proposer le matériel de son premier album, le bien nommé Fyah, « avec mon ensemble à moi », se réjouit le jeune musicien, attrapé à Londres avant son départ pour l’Amérique.

En formule trio, il sera accompagné par le jeune batteur Jake Long (compositeur et leader du sextet Maisha) et la saxophoniste et compositrice Nubya Garcia.

 

Notons évidemment le caractère atypique de cette formule trio atypique, qui érige le tuba en instrument soliste. Il faut entendre les compositions de Fyah pour mesurer l’exploit : ce type-là génère des sons incroyables avec son tuba, du jamais entendu. Sous son souffle, l’instrument barrit, rugit, graille et feule, c’est tout un zoo qui s’échappe de son cor pour accentuer la sauvagerie de son registre – sur Fyah, les titres Candance of Meroe et LDN’s Burning sont d’éloquents exemples de son talent.

« Le tuba est un instrument grâce auquel je me suis développé, et par lequel j’ai réussi à trouver ma propre voix », dit le Londonien aux racines caribéennes. « J’imagine que c’était un peu plus simple aussi de trouver cette voix singulière et d’être novateur en improvisant avec le tuba ; nombreux sont les musiciens de jazz qui choisissent la trompette ou le saxophone. »

Les tubistes ont certes été beaucoup moins nombreux à laisser leur marque dans l’histoire du jazz. Theon Cross cite cependant l’influence de pionniers tels que les Américains Bob Stewart et Howard Johnson — ils ont joué auprès de Charles Mingus et Gil Evans et, dans le cas de Johnson, collaboré avec Taj Mahal, John Lennon et James Taylor — ou encore le Britannique Oren Marshall, qui lui a enseigné comment trouver sa voix avec le tuba.

Âgé d’à peine 27 ans, Cross poursuit aujourd’hui son apprentissage « avec les instruments de studio et la programmation rythmique », reconnaissant du même souffle l’influence des scènes grime et dancehall sur la musique qu’il crée. « C’est ce qui rend la scène de Londres si intéressante, estime Cross. On voit arriver plein de jeunes aux concerts qu’on donne, justement parce qu’ils reconnaissent dans notre jeu les références aux musiques qu’ils apprécient. Nous formons une petite communauté de musiciens qui, tout en reconnaissant l’héritage des légendes du jazz, incorporons toutes ces références rythmiques, l’afrobeat, les rythmes des Caraïbes, mais aussi le hip-hop, le grime, les musiques électroniques. C’est vraiment excitant ! »

Theon Cross

À L’Astral, le lundi 1er juillet à 22 h

À voir en vidéo