Une clairière, Jérôme Minière

Paradoxal diptyque. L’album Dans la forêt numérique, paru en décembre dernier, éblouissait de lumière. Celui-ci, Une clairière, se tient coi dans les recoins sombres de soi. Pas moyen de trouver Jérôme là où on l’attendrait. Oui, on reconnaît sa manière de dire et de décrire, mais le ton a changé. « Avant la beauté existait ou non / Ça prenait l’éternité », chuchote-t-il sur pulsation électroppressante (mon néologisme), avec des variantes, pendant neuf minutes. Dans La somme des jours, la voix est angoissée, pas distante, pas protégée dans la zone d’observation. Dans Vaste, la tristesse baigne des accords d’orgue de fin du monde. Autant de déchirures dans l’habit ignifuge de l’artiste pudique et discret. Sont-ce les mois de collaboration intercontinentale avec le remixeur-compositeur Chevalrex (Rémy Poncet au civil) qui ont percé la carapace de douceur ? « Les écrans qui nous laissent sans refuge […] et moi qui sort de ma réserve », constate-t-il, haletant, apeuré. La survie est à ce prix.
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