Justice est enfin rendue à Buddy Bolden

Bolden est le sujet d’un film qui vient de sortir aux États-Unis.
Photo: Abramorama Bolden est le sujet d’un film qui vient de sortir aux États-Unis.

Oyez, oyez, frappez les tambours, sonnez les trompettes y compris les longues, les romaines, car y’a de la joie dans l’air. Et pas à peu près. Car justice vient enfin d’être rendue à l’antiquité du jazz qui avait pour nom Buddy Bolden. Né en 1877 à La Nouvelle-Orléans, il est décédé en 1931 alors qu’il était interné dans un établissement psychiatrique de Jackson, en Louisiane. Louis Armstrong, faut-il le rappeler, aimait souligner de son vivant que lui et King Oliver avaient une dette énorme à l’égard de Bolden, car ce dernier fut après tout l’inventeur du jazz.

En un mot comme en dix mille, voici de quoi il s’agit : Bolden est le sujet d’un film qui vient de sortir aux États-Unis. Celui-ci a été écrit et réalisé par Dan Pritzker, qui a confié à Wynton Marsalis le soin de confectionner la bande sonore qui sort aujourd’hui dans sa version CD et qui comprend, tenez-vous bien, 26 morceaux ! On vous le dit d’emblée, si vous souhaitez avoir une idée juste, précise, de ce qu’est le style dit New Orleans, cet album publié par l’étiquette Blue Engine Records est parfait pour ça.

Immense trompettiste, orchestrateur hors pair, compositeur sensible et surtout ancré dans le jazz et non dans les escroqueries musicales, Marsalis… a composé les trois quarts des pièces enregistrées avec ses complices habituels du Lincoln Center. Oui, il a composé ! En fait, c’est bien simple, il n’avait pour ainsi dire pas le choix puisqu’il n’existe aucun enregistrement des bravoures sonores de Bolden.

Alors, Marsalis a tracé la diagonale entre telle retranscription d’un solo de Bolden, les souvenirs oraux des ancêtres du genre consignés dans les centres de recherche, la Library of Congress ou autres endroits, et bien évidemment la réputation de Bolden en tant que soliste hors du commun. En fait, ce dernier fut un libérateur.

C’est Bolden, en effet, qui introduisit la loi, c’est le cas de le dire, de l’improvisation. Autrement dit, une fois que le thème avait été bien mis en relief par la formation rythmique, les souffleurs avaient l’obligation, littéralement, de sortir du cadre musical. Sinon ? Cela revenait à confiner le musicien dans un rôle d’automate, de figurant qui joue pendant trois minutes les mêmes gammes.

Dans le texte qui accompagne le CD, le clarinettiste et professeurMichael White — il enseigne à la Xavier University de Louisiane — souligne avec raison que « le jazz est une métaphore vivante de l’existence démocratique », ce qui permet de rappeler ce constat du vieux Sartre : « La démocratie parfaite, c’est une formation de jazz ». Car une fois que le trompettiste a terminé son solo, son improvisation, chacun de ses compagnons a droit au chapitre.

Toujours est-il qu’entre ses compositions, dont l’intense Phantasmagoric Bordello Ballet, Marsalis a inséré des classiques du genre, commeBasin Street Blues, Muskrat Ramble, Tiger Rag, Stardust… Le résultat est un régal de bout en bout. Cet album est surtout un incontournable, car il précise enfin ce que Bolden ainsi que ses collègues de l’époque, on pense à Papa Célestin et à Alphonse Picou, ont fait… pour nous ! Soit distiller de la joie musicalement causant.

Bienvenue chez Ben Sidran

Aux amateurs de l’histoire du jazz, voici une « grosse » nouvelle : le réseau radiophonique NPR, lié à PBS, vient de réunir dans un coffret comprenant 24 CD la centaine d’entrevues que le pianiste, compositeur et chanteur Ben Sidran avait effectuées dans les années 1980 et 1990. C’est bien simple, Sidran avait alors dialogué avec tous les géants du jazz : Miles Davis, Dizzy Gillespie, Art Blakey, etc. Le titre ? Talking Jazz : An Oral History.

Bolden (Original Soundtrack)

Wynton Marsalis, Multiple Ensembles, Blue Engine Records



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