Le 7e art prend le pas sur Brahms

Des deux derniers concerts « Le 7e art et Brahms », on retiendra les créations d’oeuvres inspirées par le cinéma.
À l’opposé de Blair Thomson, qui, jeudi, semblait avoir composé in abstracto pour André Moisan un Concerto pour clarinette basse, sans vraiment se soucier du film qu’il illustrait, Zosha Di Castri a réalisé un travail exceptionnel pour relayer par des jeux de textures et de plans sonores le film d’animation La faim, de Peter Foldès.
Épousant les incessantes métamorphoses du trait, au premier plan, la compositrice de 33 ans a eu l’idée déterminante de positionner un percussionniste devant un orchestre cadrant situations et ambiances. La compositrice traduit de manière mouvante et avec des climats justes l’indécente opulence des nantis face à la misère des autres (effets de col legno) dans une trame agissante et complexe.
Régis Campo, un réputé compositeur français dont l’oeuvre accompagnait dimanche le court-métrage Nails, de Phillip Borsos, avait une tâche plus simple : des images d’automation et de révolution industrielle sur la fabrication des clous. Loin de la Fonderie d’acier de Mossolov, Battements de coeur établit une sorte de triangle esthétique entre un mouvement perpétuel, le 1er mouvement de la 1re Symphonie de Dutilleux et le langage de Philip Glass. De ce point de vue, l’intention de l’auteur de créer un pont avec Brahms est accomplie puisque, justement, le 1er volet de Dutilleux est une Passacaille, comme le finale de la 4e Symphonie. Campo répète alors que Brahms varie davantage, mais la proposition est pertinente et la facture impeccable.
Chutes de tension
La Symphonie n° 1, jeudi, avait bien auguré du cycle Brahms. La déception des Symphonies nos 3 et 4 n’en a été que plus grande. Avec quatre concerts en quatre jours, Kent Nagano a réduit les effectifs (une trentaine de cordes, plus les vents) afin de disposer de deux phalanges. C’est l’orchestre « B », mené par Richard Roberts, qui jouait ce week-end.
Orchestre « B », chef « D », hélas ! Autant la Symphonie n° 1 reposait sur une certaine logique autant on n’associera, dans la 3e, ce qualificatif qu’au seul finale. Le fameux 3e mouvement, en rien « poco allegretto », ne reluisait pas orchestralement (clarinette, 3e cor, violoncelles), l’andante s’enlisait par des ritardando anticipés et, surtout, le volet initial, jamais « con brio », se traînait et accusait de nombreuses chutes de tension.
Rebelote dimanche dans la Symphonie n°4 : affaissement de l’influx dans le 1er volet, atmosphère quasiment funèbre dans le 2e et transformation de la rectitude de Passacaille en sables mouvants rythmiques, le tempo ralentissant même avant la variation de la flûte. Quant à la coda, emballée, elle n’était aucunement maîtrisée sur le plan orchestral.
Heureusement, dimanche, le Concerto n° 4 de Beethoven avait une vraie tenue. Rudolf Buchbinder associe, dans un concept passionnant, le tumulte de l’époque de la 5e Symphonie (les deux oeuvres ont été créées lors du même concert) et un piano à l’ambitus tout juste post mozartien. L’OSM programme cette oeuvre si souvent que l’accompagnement ne posait aucun problème, contrairement à celui du Concerto pour violon de Dvorak, samedi.
L’orchestre s’est aventuré avec la plus extrême prudence (transitions, articulation, contre-chants, rythmes et coloris mous ou aseptisés) sur ce territoire tchèque peu connu, aux côtés d’une excellente soliste, en totale maîtrise, elle, se signalant par des aigus très fins mais une corde de sol manquant un peu de matière.
Le rythme de quatre concerts en quatre jours, fut-ce avec un orchestre scindé en deux, s’accommode-t-il vraiment de créations mondiales ou d’oeuvres contemporaines, qui, par la force des choses, consomment un temps de répétition que l’on sait non extensible ?