Le baroque amidonné de Masaaki Suzuki

Masaaki Suzuki
Photo: Antoine Saito Festival Bach Montreal Masaaki Suzuki

Que les choses soient claires : le concert de Masaaki Suzuki et son Bach Collegium Japan fut musicalement excellent, samedi soir. Par ailleurs, il est admirable de la part du Festival Bach d’avoir obtenu une contribution internationale aussi prestigieuse. Le niveau instrumental était très solide et d’une remarquable constance tout au long de la soirée, avec, en prime, la révélation d’une brillante chanteuse, la soprano Joanne Lunn.

Cela posé, la soirée, expérience ô combien évanescente, nous rappelait que très souvent les visites d’ensembles baroques en tournée se soldent par des frustrations. Nous les connaissons par l’opulence de leurs enregistrements et retrouvons en salle une formation minimale dictée par de compréhensibles impératifs d’équilibre budgétaire.

Le plein rayonnement musical, nous l’avons connu par exemple, au Festival Bach, avec l’ensemble de Philippe Herreweghe, celui de Václav Luks et, surtout, l’Akademie für alte Musik Berlin ou, à Montréal baroque, avec l’Arte del Mondo. Une Suite orchestrale n° 2 à neuf musiciens, comme celle entendue samedi, n’amène strictement aucune plus-value par rapport à une prestation des Violons du Roy, n’était la flûtiste Liliko Maeda, grande dame discrète de ce concert, tant, autour d’elle, dans Bach et Telemann, par la douceur de sa sonorité et la fluidité de sa ligne, la musique a acquis un supplément d’écoute et de subtilité.

Le Collegium Bach Japan a voyagé en Amérique du Nord avec quatre violons, un alto, un violoncelle, une contrebasse, deux hautbois un basson et une flûte autour du clavecin de Masaaki Suzuki. On est heureux que le chef ait pris option « musique » plutôt que « cuisine », parce que l’équivalent du menu dégustation du soir aurait été omelette – meringue – épinards – fraises – fromage – potage. Où allait donc ce programme ? Que voulait-il nous montrer ? La qualité à toute épreuve d’un bon baroque amidonné ?

Tout comme dans le menu susdécrit, j’ai souvent cherché l’âme : l’italianité dans le Concerto pour deux violons, comme dans le Concerto pour hautbois de Marcello dont surnage l’exercice de virtuosité. On retient une flûtiste sensible, la révélation d’une admirable soprano anglaise (ce n’était pas l’objet) et la situation cocasse de voir 400 personnes dans un silence absolu et le noir le plus complet possible écouter un Quatuor avec flûte de la Musique de table de Telemann, comme si quelque gourou allait nous révéler les secrets de la création de l’univers.

C’est bien cette contradiction qui m’amuse le plus dans la musique baroque et la prétendue quête « d’authenticité » : voir un robinet d’eau tiède musicale tel que ce Quatuor de Telemann, conçu pour le seul divertissement des puissants en accompagnement de leurs plus éminentes activités, aujourd’hui sanctuarisé jusqu’au grotesque dans un rituel de concert pseudo-sacré et fossilisé, hérité de l’époque romantique !

Bach Collegium Japan

Bach : Suite pour orchestre n° 2. Vivaldi : Concerto pour deux violons, opus 3 n° 11. Conti : Cantate « Languet anima mea », pour soprano, cordes et basse continue. Marcello : Concerto pour hautbois en ré mineur. Telemann : Quatuor n° 1 pour flûte, violon, violoncelle et basse continue en ré majeur. Händel : Motet « Silete venti ». Joanne Lunn (soprano). Masaaki Suzuki (direction). Festival Bach à la Salle Bourgie, samedi 1er décembre.

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