«Once»: unis par la musique

Once, c’est d’abord un film de John Carney qui obtint en 2007 un succès inespéré. Dans les rôles de Guy et de Girl, un homme et une femme aux coeurs brisés errant dans les rues de Dublin, Glen Hansard et Markéta Irglová crevaient l’écran. En 2012, sur Broadway, la dramaturge Enda Walsh et le metteur en scène John Tiffany transformaient le long métrage en un spectacle qui remporta huit prix Tony. Ces jours-ci, au Centre Segal, la comédie musicale intimiste connaît, pour notre plus grand bonheur, une version montréalaise.
Le metteur en scène Andrew Shaver — qui avait dirigé Grease au Théâtre Saint-Denis en 2015 — fait ici preuve d’inventivité, de justesse, mais surtout d’une admirable délicatesse. En effet, pour raconter l’histoire de Guy et Girl, un conte d’amour et de création à échelle humaine, un récit de solidarité et de famille, dramatique, certes, mais non dépourvu d’humour, il est essentiel de faire confiance aux chansons, coeur de l’oeuvre, mais aussi d’offrir le plateau au talent et à la complicité d’une dizaine d’interprètes incarnant, autour des deux protagonistes, une galerie de personnages pittoresques. Un pari qui est ici pleinement réussi puisque l’apport du choeur, composé de redoutables artistes, qui sont à la fois comédiens, chanteurs, musiciens et danseurs, est inestimable.
Once, c’est l’histoire d’une rencontre, celle d’un homme et d’une femme, deux trentenaires qui se sont reconnus dans la musique, qui par elle se sont révélés à eux-mêmes et à l’autre. Né à Dublin, il vit avec son père et répare des aspirateurs. Née en République tchèque, elle vit avec sa famille élargie et vend des fleurs dans la rue. Tous les deux aiment quelqu’un qui les a quittés. Pendant quelques jours, les deux âmes en peine vont s’apaiser, s’entraîner mutuellement vers le haut. Les pièces écrites et composées par Hansard et Irglová, heureux mélange de folk irlandais et de musique traditionnelle tchèque, sont belles à pleurer.
Dans la scénographie de Ken Mackenzie, où sont subtilement évoqués les multiples lieux, du magasin d’instruments à l’atelier de réparation d’aspirateurs en passant par le studio d’enregistrement, la troupe est irrésistible, aussi juste en mode mineur que dans les tableaux plus ambitieux. Quant à Greg Halpin et à Eva Foote, qui incarnent Guy et Girl, ils ne sont ni plus ni moins que les joyaux du spectacle. Dès le premier morceau, Leave, l’intensité de Halpin nous rive à notre siège. Lorsque Foote s’approprie la poignante If You Want Me, on a le coeur dans la gorge. Finalement, quand tout le groupeentonne Falling Slowly, on s’inclinedevant tant de justesse, on fond en larmes devant pareil unisson.