L’explosivité d’Alexis Hauser

Le bouillonnant chef de l’Orchestre symphonique de McGill, Alexis Hauser
Les concerts de l’Orchestre symphonique de McGill et de son chef, le bouillonnant Alexis Hauser, sont devenus pour les amateurs de répertoire symphonique un secret désormais partagé. L’intimité de la salle Pollack, son rendement acoustique, l’engagement des jeunes musiciens et l’explosivité du chef : tout cela concourt à faire de ces soirées des expériences orchestrales souvent très particulières.
Les conditions n’étaient pas tout à fait réunies vendredi pour concourir à un rendez-vous mémorable. Par exemple, les dissipations du public, avec des cacochymes dans le mouvement lent de Chopin ou des bavards si bruyants que le chef a dû stopper son début de symphonie de Brahms, ensuite interrompu par un bébé brailleur.
Entre le léger retard au début et l’interminable installation du piano, le simple fait de programmer une ouverture de huit minutes d’Anton Dvorak a amené le 1er concerto de Chopin, seconde oeuvre au programme, à débuter à 20 h pour un concert entamé à 19 h 30. C’est profondément ridicule, comme le devient le rituel ouverture-concerto-symphonie. Comme Ilya Poletaev a ajouté un bis chopinien assez long, la première partie a fini près de 90 minutes après le début du concert. Dans un tel contexte, une ouverture ne s’imposait vraiment pas, même si l’enthousiasme et le bonheur de tous faisaient plaisir à voir.
À l’autre bout de cette moitié de concert, Ilya Poletaev a joué Chopin en solo avec un toucher raffiné, un rubato très étudié et un usage calculé mais généreux de la pédale, tout à l’opposé d’un concerto sobre, simple et droit, qui semblait bâti et conçu par devoir d’intégrité pour ne pas amener les jeunes musiciens sur des chemins inconnus. Les instrumentistes, eux, si généreux dans Dvorak, étaient plus économes en nuances avec des problèmes de justesse (les plus criants furent aux deux flûtes) et pas mal d’approximations dans les vents en général.
Nous sommes en début d’année, ce qui amène à l’indulgence pour la lettre (quelques entrées intempestives, de petits décalages dans le mouvement lent, justesse des hautbois dans le Finale) d’une 4e de Brahms à l’esprit pugnace, passionnante à suivre et à vivre. Il y a tout de même à McGill un niveau d’ensemble qui fait que l’orchestre assure une constance de qualité appréciable d’année en année, permettant de donner ces ardents concerts. Je me disais, vendredi soir, qu’entre 2006 et 2016 un programme par an de type « Hauser met le feu à l’OSM » n’aurait pas été du luxe dans la programmation de notre orchestre vedette et aurait fait beaucoup de bien en nous permettant de découvrir plus avant ce musicien intéressant.
Dans le documentaire qui lui a été consacré, Claude Gingras professait son admiration pour les concerts estudiantins. Au fond, il a bien raison. Parce que voir les jeunes, c’est synonyme d’espoir et d’avenir, mais aussi et surtout parce que, en fuyant la musique compassée et calculée, en faisant de la direction un acte passionnel, Jean-François Rivest et Alexis Hauser apportent, en complément de la philosophie musicale d’un Yannick Nézet-Séguin, quelque chose, artistiquement, au paysage artistique montréalais.