L’héroïsme pastoral de Kent Nagano

Le chef de l'Orchestre symphonique de Montréal, Kent Nagano
Photo: Jacques Nadeau Archives Le Devoir Le chef de l'Orchestre symphonique de Montréal, Kent Nagano

Le quatrième concert de l’intégrale Beethoven de Kent Nagano et l’OSM, version 2018, nous permettait de retrouver l’orchestre « A », celui des premières chaises, à l’oeuvre dans les Symphonies no 2 et no 6, mardi.

Cette seconde expérience avec ce groupe apporte quelques confirmations : les cordes sont assurément plus intéressantes et plus homogènes que celles du groupe « B ». La nature proche des Symphonies no 1 (groupe A, jeudi) et no 8 (groupe B, mercredi) permet de juger de la matière sonore, du mordant dans les attaques et de la netteté dans l’articulation et d’accorder une nette préférence à la Symphonie no 1 entendue jeudi.

La différence « A » et « B » est surtout patente chez les violoncelles, d’une admirable tonicité dans le groupe A. Si les violons II étaient moins en évidence que dans la Pastorale de mardi, c’était possiblement parce que les violons I semblaient plus affirmés.

L’instrument qui sort du placard

La 1re symphonie nous réservait une surprise, puisque l’OSM avait sorti son jeu de timbales anciennes. Mais la plus-value de l’instrument en lui-même, lorsque sa sonorité mate et tranchante n’est pas mise en valeur, s’estompe. Tant qu’à faire, le gros instrument moderne réapparu dans l’Héroïque, joué avec des baguettes sèches, comme utilisées à bon escient par Andreï Malashenko, a le même impact. Si le timbalier avait voulu démontrer qu’il ne servait à rien de prendre le « bon instrument », il ne s’y serait pas pris autrement !

Le pupitre qui connut jeudi une embellie admirable et surpassait en grain et en phrasé ce que nous avons entendu mercredi de la part de la phalange B est vraiment celui des cors, dans un grand soir du point de vue de la rondeur et de la culture sonore. Les cornistes étaient trois pour la Symphonie no 3.

Un chef détendu

 

Musicalement, les constatations se confirment soir après soir et vont toutes dans le même sens. Kent Nagano prend désormais plus de plaisir à détailler et soupeser les choses. Ce faisant, il se détend et déleste son Beethoven d’une dimension hargneuse et physique et relâche assez notablement les tempos. Par exemple, dans l’Héroïque, les minutages du disque (16 min 49 s, 13 min 58 s, 5 min 47 s et 11 min 19 s) deviennent dix ans plus tard 17 min 24 s, 14 min 44 s, 5 min 53 s et 11 min 50 s.

Cette détente du rythme est aussi une détente de ton, une baisse de pugnacité. Une sorte de pastoralité gagne l’Héroïque. Mais ce démontage des rouages beethovéniens reste cérébral, plus que ludique ou « sportif » comme chez Paavo Järvi et sa Deutsche Kammerphilharmonie. En regardant la scène, on a l’impression que les musiciens s’appliquent à détricoter Beethoven, alors que les Allemands jubilaient en le faisant.

Cette différence fait que l’on admire ce qui se passe, mais que l’on n’en retire, en tout cas en ce qui me concerne, aucune expérience de vie durable ou édifiante.

Espoir d’un monde meilleur : l’« Héroïque » de Beethoven

Beethoven : Symphonies no 1 et no 3 (intégrale des Symphonies – concert 4). Orchestre symphonique de Montréal, Kent Nagano. Maison symphonique de Montréal, jeudi 31 mai 2018.

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