L’«OSM-bis» fait feu de tout bois

Belle surprise, lors de ce concert particulièrement destiné à un public renouvelé, celui des « jeunes ambassadeurs de l’OSM » : un respect du silence entre les mouvements.
Comme on pouvait le craindre, Kent Nagano n’en a, hélas !, tiré strictement aucun bénéfice. La science des transitions, leur resserrement pour maintenir la tension, par exemple, ne rentre pas dans les concepts ou priorités du chef.
Nous retrouvions pour ce 3e concert l’orchestre « B », à l’oeuvre dimanche dans les Symphonies nos 4 et 5. Rappelons que Kent Nagano présente les Symphonies de Beethoven avec des effectifs de 45 à 50 musiciens, ce qui lui permet de diviser l’OSM en deux formations qu’il alterne d’un concert à l’autre. Les « vedettes » (premières chaises) se retrouvant dans l’autre orchestre, nous l’avons appelé « A ». Il jouait, mardi, les Symphonies nos 2 et 6.
Des vents en évidence
La comparaison des formations « A » et « B » devient l’exercice le plus passionnant de cette aventure beethovénienne, avec parfois de grosses surprises. Grosso modo, je prendrais volontiers les cordes de « A » et les vents et la percussion de « B ».
Même si violons I et II trouvaient dans ces symphonies un équilibre que les Symphonies nos 4 et 5 n’avaient pas, les interventions des violons II dans la 7e symphonie montrent que le relief de leurs collègues, relevé la veille, est vraiment impressionnant. Sur l’ensemble des cordes, ce sont les altos de « A » et « B » qui sont le plus égaux à haut niveau.
Chose frappante : malgré les efforts apparents, nous étions très en deçà, en impact et pugnacité collective (violoncelles !), de Paavo Järvi et la Deutsche Kammerphilharmonie dans la 8e symphonie. On en vient vraiment à regretter que Kent Nagano ait abandonné la discipline de la pratique assidue de l’oeuvre de Haydn.
Cette Huitième un peu fuyante, sans conteste le point faible de cette intégrale, montre que le travail de perfectionnement de l’orchestre en général peut être mené bien plus loin en matière de cohésion, grain des cordes et phrasé (cors dans le 3e mouvement). Quant à la Septième, elle a toujours été bien réussie par Kent Nagano à Montréal, cette fois sans doute un peu moins que d’autres, même si elle a soulevé l’enthousiasme.
En effet, nous avions déjà relevé, mardi, que le chef relâchait un peu les tempos. Il l’a fait dans les 2e, 3e et 4e mouvements de la Septième, détendant l’Allegretto (8 minutes 32 secondes contre 8 minutes 9 secondes), prenant le temps dans le trio du 3e mouvement et s’écoutant doser les pupitres dans des effets dynamiques du Finale. On peut voir cela comme du creusement interprétatif ou comme des chutes de tension.
Revue d’effectifs
Nous n’en avions pas fini avec la revue des effectifs, fort difficile à personnaliser, puisque, comme nous l’avons déjà indiqué, l’OSM imprime un effectif orchestral théorique annuel et non pas les noms des musiciens qui sont effectivement sur scène.
On accordera un satisfecit presque total, une fois de plus, au timbalier Hugues Tremblay, face à la somme des étonnements provoqués par les choix de son collègue Andrei Malashenko la veille. Tremblay a opté pour une gamme de baguettes sèches qui convenaient exactement. Ses interventions étaient parfaitement découpées. Il s’est même littéralement défoulé dans le Finale de la Septième. Ce déchaînement ultime était à la fois impressionnant et discutable, car le volume déployé aurait convenu face à un orchestre de 80 musiciens avec 4 cors, mais était déplacé en arrière de 40 collègues.
Aux trompettes, je ne répéterai pas ce que j’ai déjà écrit : j’ai entendu de la belle et vraie musique du début à la fin de la part de Stéphane Beaulac et de sa collègue. Très bonne prestation des deux cors dans la Septième. Même si ce pupitre est très loin d’être mon favori à l’OSM, je préfère la paire « B ».
Sachant que les clarinettes se valent et que les bassons sont les mêmes, la vraie surprise est à chercher du côté des flûtes et du hautbois, puisque Timothy Hutchins et Theodor Baskin (orchestre « A ») sont des vedettes de l’OSM depuis des décennies. Or ce que j’ai entendu hier soir (j’ai reconnu Vincent Boilard au hautbois) m’a plu infiniment, notamment à la flûte, où la palette de nuances part du pianissimo et évolue entre mezzo-piano et forte, plutôt que de partir du mezzo forte et d’évoluer entre forte et fortissimo.
Le tandem « A », Hutchins-Baskin, a montré, justement, dans la Pastorale, que trois décennies de complicité sont précieuses. Mais ce cycle Beethoven donne aussi à des musiciens que l’on ne met pas en général à l’avant-plan dans des oeuvres aussi emblématiques l’occasion de montrer qu’ils sont, eux aussi, un visage de l’OSM. Un visage différent, mais pas moins intéressant.