Gérard Depardieu en «femme qui chante»

Il y a eu la grenouille qui voulait être aussi grosse que le boeuf, il y a Depardieu qui aurait voulu être Barbara.
Sur la scène de l’Olympia de Montréal, mercredi, la bête de scène qu’est Gérard Depardieu se faisait sensible, timide, pour incarner la longue dame brune, sa défunte amie, la magnifique Barbara. Depardieu était d’ailleurs accompagné de celui qui fut le pianiste de Barbara, Gérard Daguerre, dans le cadre du spectacle Depardieu chante Barbara.
Depuis longtemps, Barbara et Depardieu étaient complices. L’homme a d’ailleurs entamé la soirée avec la pièce Mémoire, tirée de la comédie musicale Lily passion, qu’ils interprétaient ensemble en 1986. Et c’est cette proximité entre les artistes qui fait tout l’intérêt de ce spectacle.
Lorsque Depardieu allait chez Barbara, il arrivait qu’elle le fasse attendre longtemps dans la cuisine avant de, enfin, se présenter. Sur la scène de l’Olympia, le fantôme de la chanteuse semblait venir planer, à l’occasion, pour insuffler courage à Depardieu. On la retrouve dans cette posture de dos, une main tendue vers le côté. On la retrouve même dans ces fléchissements de voix qu’il lui arrivait, à elle aussi, de subir. On la retrouve dans cette sensibilité, dans cette vulnérabilité qui s’exprime cette fois dans une carrure de boxeur, avec une voix d’homme, moins claire que la sienne. « Je suis une femme qui chante », dit Depardieu, qui reprend aussi des textes de la chanteuse.
Il faut tout de même s’incliner devant l’humilité de Depardieu lorsqu’il chantonne, de son corps de géant, la toute douce Petite cantate, que Barbara a écrite lorsque sa pianiste est morte dans un accident de voiture. Ou encore lorsqu’il reprend Dis, quand reviendras-tu ?, s’adressant de toute évidence à la mémoire de la chanteuse.
Au moment de livrer la magnifique chanson Drouot, qui raconte l’histoire d’une femme qui vend ses derniers souvenirs d’amour aux enchères, le comédien fait un aparté pour parler du bradage des derniers biens de Barbara, après sa mort. On soulignera la belle prestation de Depardieu dans Le soleil noir ou L’île aux mimosas, mais aussi dans À force, une chanson écrite par le fils de Depardieu, Guillaume, que Barbara avait mise en musique. À défaut de chanter comme Barbara, on pourra dire que Depardieu l’aura comprise.
Depardieu l’a déjà dit, il a monté ce spectacle pour apprendre à faire son deuil de Barbara. Et c’est aussi ce que le public fait à ses côtés, la larme à l’oeil, la chanson au bout des lèvres.