Le concert que vous n’oublierez pas de sitôt

Trois reprises, vendredi, samedi et dimanche, à des heures diverses pour vous accommoder : emmenez-y belles-mères, enfants, veaux, vaches, chiens, chats et cochons. Enfants, surtout ! Comme le disait Lorenzo Coppola à la fin du concert de mardi : « Revenez, il y a de quoi s’amuser. La vie et belle ! »
La vie est belle : ce titre, il me le sert sur un plateau, le Roberto Benigni de la musique classique. Lorenzo Coppola est le chef affiché dans le programme. Mais il n’est pas là. Pas devant les musiciens. Il est partout. Il a possédé leurs corps et leurs esprits lors de la préparation.
Faire corps avec la musique
Ce concert, Coppola le décline comme le précédent, verbomoteur comme Roberto Benigni, en faisant « clown utile » dans des introductions, véritables sketchs qui nous conditionnent à l’écoute.
Lorenzo Coppola parle de Commedia dell’arte tout le temps. Toute cette musique, même viennoise, est Commedia dell’arte. Une symphonie de Haydn n’est plus une symphonie de Haydn : c’est l’histoire d’un gros Turc voulant séduire une jouvencelle qui pense à tromper son amoureux. On se perd dans les mimiques, les rideaux, les portes qui claquent, mais on s’en moque, car, au final, il reste la musique.
Et la musique, c’est voir, en formation cossue de 16 cordes, Arion métamorphosé balancer les chaises et jouer debout en ondulant, trépignant, sautillant, mené par une Laura Andriani surexcitée. Coppola est assis dans la salle. Il observe les fruits du travail fait en répétition, regarde les musiciens possédés faire corps avec la musique. Cette fin de semaine, nul doute que le dernier tiers du 2e mouvement sera encore plus impeccable.
En prélude à Haydn, nous avons eu le bonheur intense de réentendre le brillant corniste Pierre-Antoine Tremblay qui s’illustre dans les plus grands ensembles baroques européens. Après une démonstration de cor naturel, il a splendidement joué le 3e Concerto de Mozart en ajoutant par-ci par-là quelques notes pour le pimenter davantage. Quant à Andréanne Brisson Paquin, elle ne chantait mardi qu’un des trois airs qu’elle interprétera cette fin de semaine, le Vorrei spiegarvi o Dio, dont la ligne, si bien tenue par la chanteuse, préfigure parfois celui de la Messe en ut mineur, K. 427.
Demander à Lorenzo Coppola de sortir de son rôle de clarinettiste pour devenir animateur de projets musicaux est la meilleure idée d’Arion depuis 15 ans. Coppola reviendra en mars 2019 dans le cadre d’une saison qui verra également le retour d’Enrico Onofri, ainsi que des concerts dirigés par Andrew McAnerney, Alexander Weimann et Luca Guglielmi.