Musique classique: une nordicité de tout repos à la Maison symphonique

Le concert de mardi dernier à la Maison symphonique donnait sans grands artifices le coup d’envoi du Festival nordique de l’Orchestre symphonique de Montréal, une série de trois concerts thématiques confiés au chef finlandais John Storgårds.
Alain Lefèvre joue André Mathieu : curieux titre pour un événement spécial censé donner l’occasion aux mélomanes de « (re) découvrir des musiques de différents pays nordiques ». Non seulement le lieu de naissance des compositeurs joués mardi constituait-il l’unique lien avec le thème mis en avant, mais nous doutons que des musiciens tels que Rachmaninov ou Mathieu aient réellement besoin d’une pareille occasion pour être entendus.
Mais qu’importe la fidélité au « thème » quand la musique est rendue avec conviction. À cet égard, nous devons au baryton-basse canadien Philippe Sly le moment le plus intéressant de la soirée, avec une interprétation d’un air de l’opéra Aleko de Rachmaninov magnifiquement accompagné par l’orchestre.
Hors des impératifs de marketing, nous nous expliquons difficilement le choix d’André Mathieu et de la très décousue Rhapsodie romantique pour représenter la musique d’ici au concert des nations nordiques : il aurait été aisé de trouver dans la littérature musicale canadienne une oeuvre d’un plus grand intérêt musical et qui aurait eu le mérite d’explorer l’identité nordique dont l’OSM et la Place des Arts — le festival s’intègre dans la programmation du Printemps nordique — souhaitent faire la promotion ; on peut penser à North Country de l’Ontarien Harry Somers ou, plus près d’ici, aux hommages sentis de Michel Longtin à Sibelius (Autour d’Ainola, Pohjatuuli).
Si la prestation d’Alain Lefèvre a comblé le public, il n’en demeure pas moins que l’équilibre entre le piano et l’orchestre a été tout au long de la Rhapsodie difficile à atteindre, l’orchestre se révélant souvent bruyant et le pianiste, plutôt en retrait en dépit de son esbroufe habituelle.
Il est regrettable que l’oeuvre la plus substantielle et la réelle découverte du concert de mardi, la Symphonie no 3 « Sinfonia espansiva » du Danois Carl Nielsen, ait été reléguée au second plan. Rarement jouée à Montréal, la musique de Nielsen est aussi originale qu’accessible au néophyte, pour peu qu’on en prépare l’exécution avec soin, une nécessité difficile à conjuguer avec le caractère de marathon du Festival. La prestation d’hier a certes valu aux auditeurs présents de beaux moments dans le second mouvement de l’oeuvre, mais une mise en place rythmique parfois déficiente, faute de temps probablement pour les musiciens pour s’approprier l’oeuvre, aura nui à la cohérence globale de l’interprétation.